Spectacle conçu par le Collectif les bâtards dorés d'après le récit de Alexandre Corréard et Jean-Baptiste Savigny, avec Romain Grard, Lisa Hours, Christophe Montenez de la Comédie Française, Jules Sagot et Manuel Severi.
Grande catastrophe maritime, qui a fait autant parler au 19ème siècle que le naufrage du Titanic au 20ème siècle, l'histoire du radeau de la Méduse, immortalisée par le tableau de Géricault, est aujourd'hui revisitée par le collectif "Les Bâtards dorés" dans un spectacle nettement en deux parties.
Dans la première, est privilégiée une "forme hosseinienne" écrite d'après le récit de Corréard et Savigny, ce dernier étant l'un des personnages présents dans cette adaptation. On va donc suivre un procès avec une juge, des témoins et des jurés (chargés par un vote de définir le sort réservé à Savigny).
Pendant que les témoins sont interrogés ou se racontent, un artiste peintre (Jean-Michel Charpentier ou Charlotte Puzos) au fond de ce qui figure un prétoire dans un dispositif bi-frontal, croque des visages et les recouvre de peinture.
Dans la seconde, le classicisme formel n'a plus lieu d'être : c'est le temps de la "calenture", celui de la folie passagère. Car les spectateurs ont eu vent de l'atroce réalité : pour survivre les naufragés ont bravé l'un des tabous suprêmes qui fonde l'humanité.
Leur anthropophagie est ce qui les fait basculer dans la folie bestiale. Dès lors, nus, enduits de peinture blanche ou rouge simulant le sang des, ils sont en pleine danse de St-Guy et vont jusqu'à barbouiller la toile peinte pendant la première partie.
Cette construction pourrait dérouter et donner un côté décousu à "Méduse", mais dès la première partie, le Collectif les bâtards dorés introduisent des éléments d'étrangeté et d'irréalité : un huissier lymphatique, une juge pour un procès sous Louis XVIII et un salon VIP avant d'entrer dans la salle où quelques spectateurs choisis pour être les officiers, ont droit, assis dans de cossus fauteuils, à une coupe de champagne et des macarons, "injustice" qui énerve les autres spectateurs...
Injustice qui annonce aussi le côté "social" de la catastrophe : les gens choisis pour monter dans le radeau, et pas dans les canots, étaient les passagers pauvres et les militaires. Et, au final, les rescapés du radeau furent des officiers armés de leurs sabres qui s'étaient arrogés le centre, meilleur place pour éliminer les autres.
La qualité des acteurs (Romain Grard, Lisa Hours, Christophe Montenez, Jules Sagot et Manuel Severi) permet aussi à la seconde partie de ne pas virer totalement au "happening potache à la Macaigne".
Leur gentil délire attendu n'énervera pas le spectateur peu porté sur le genre. Moins sans doute que le poème lu par Savigny qui s'étire peut-être un peu longuement et qui rend la "calenture" bien plus supportable... |