"For me Seeing Other People just means goodbye : goodbye to the drugs, to the partying. Goodbye to my twenties now, Goodbye to my Saint Laurent-model-body. Goodbye to the touring circus - that’s right, no more shows or tours for a while. Goodbye, hopefully, to the anxiety attacks. Goodbye to beating myself up because I didn’t fit into those leather pants anymore. Fuck it. Goodbye to the facilities. And goodbye the leeches in my life. I know a lot of gritty stories about a lot of players in this business but you’ll have to read between the lines."
Foxygen est un groupe qui interroge autant sur son statut que sur notre époque. C’est toujours la même histoire, humaine après tout, de gens pas vraiment prêts à connaître un certain succès, ne se sentant pas forcément aimés pour les bonnes raisons, et sûrement pas faits pour. Pour Foxygen les drogues, les excès divers ont été un échappatoire, "Well I have got this work, but I’d rather powder my nose instead".
Ce Seeing Other People marque la fin d’un chapitre. Sûrement le dernier pour Jagjaguwar, peut-être même le dernier simplement pour le groupe. Un point-virgule, hypothétiquement un point final. "We're seeing other people, and that's fine" a une connotation particulière et évoque forcément les albums solo de Sam France ou Jonathan Rado et les collaborations en tant que producteur ou musicien (Weyes Blood, Father John Misty, Houndmouth, Cut Worms, Trevor Sensor, Alex Cameron...) de ce dernier.
Probablement montre-t-il deux musiciens, comme un Jekyll et un Hyde, soit la collaboration entre un musicien de studio et un musicien de scène. Justement Foxygen a refusé pour promouvoir ce disque de faire des concerts, parce que le groupe ne peut tourner comme il le souhaite, avec les moyens de ses ambitions, et pour se préserver. Mais Work ne montrait-il pas les tensions entre les deux musiciens : "I'm doing all the work, if you've got something to say then say it (…) If I'm such a fucking jerk, then why don't you write it all down ?" et que penser du "I think that we should just be friends" dans "The Conclusion" ?
En tout cas, ce Seeing Other People est une nouvelle fois une volte-face esthétique. Comme si le groupe incompris, Foxygen est et restera toujours pour France et Rado un jeu, un laboratoire d’idées musicales, une sorte de barnum esthétique et conceptuel, et toute la subtilité est là, avait besoin de continuellement régler ses comptes avec sa propre musique. Le groupe depuis And Star Power, semble vouloir échapper à son propre destin, en refusant du coup d’être lui-même, ouvrant en se renouvelant et fermant en même temps un nouveau chapitre de son histoire, envoyant tout balader avec (une fausse) désinvolture, s’amusant à flirter avec la parodie, mais avec la capacité d’écrire des chansons. Le tout avec beaucoup d’humour et de second degré. Fini la pop psychédélique ou les extravagances passées au prisme de Broadway, Seeing Other People sonne comme un mélange de 70’s et de 80’s. On pensera parfois à Rick Astley, Deniece Williams, Springsteen ou Lou Reed.
C’est aussi un disque où l’on trouve un certain groove, le groupe citant There's a Riot Goin' On de Sly & The Family Stone. Le rythme étant presque au centre de l’écriture. Ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve sur Seeing Other People deux batteurs aux phrasés et aux touchés différents : Jim Keltner (George Harrison, Ringo Starr, John Lennon, Pink Floyd, Neil Young, Steely Dan...) et son style associant généralement des motifs d'une simplicité trompeuse à une sensation décontractée et relâchée avec une rare précision et Kane Ritchotte (Portugal The Man) que l’on retrouve sur les titres plus enlevés.
Si l’ensemble aurait certainement gagné à être plus ténu dans l’écriture et plus aventureux dans la mise en son, Foxygen parvient à prendre souvent le contre-pied de tous les pièges qui étaient tendus.
"Tout mouvement nous découvre" écrit Montaigne. Avec Foxygen, nous sommes face à un groupe iconoclaste qui semble avoir choisi l’art d’esquiver et de ne suivre que ses propres désirs esthétiques (musique californienne des années 1960, la pop anglaise, Broadway, la soul…) pour survivre et qui en jouant des faux-semblants et de ce à pourquoi il a toujours fait de la musique semble écrire sa propre histoire, seul contre tous, presque comme un défi.