Réalisé par François Valla. France. Thriller. 1h20 (Sortie le 8 mai 2019). Avec Jules Pelissier, Lola Le Lann, Jérémie Duvall, Karidja Touré, Matilda Marty, Victor Belmondo, Benjamin Baffie, Michaël Cohen et Rani Bheemuck.
Quand le cinéma français s'aventure sur les terrains de la post-adolescence, il ne peut s'empêcher la plupart du temps d'en revenir encore et toujours au Doisnel de "Baisers volés", corrigé par les fictions normaliennes et pré-macroniennes de Despléchin.
Il y a bien l'exception de Thomas Bardinet, mais sa fraîcheur volontariste insupporte la critique qui n'aime pas ceux qui ne lui servent pas les leçons qu'elle attend.
La semaine dernière, on a parlé de "Jessica Forever" de Jonathan Vinel et Carole Poggi, qui passait par le film de genre pour aborder justement cette période de la vie où il faut basculer, à ses risques et périls, dans le monde adulte.
"Versus" de François Valla, à son tour, combine le "teen movie" et le "giallo", tous deux revisités à la sauce tricolore, pour décrire les jeunes gens d'aujourd'hui et, en plus, avec l'ambition de décrire "tous" les jeunes gens des années 2010.
Car, et c'est là une de ses premières qualités, François Valla ressuscite la "lutte des classe" avec l'existence conjointe d'une jeunesse dorée et d'une jeunesse cabossée.
Achille (Jérémie Duvall), avec son physique propre et lisse, incarne les petits BCBG d'une station balnéaire bourgeoise. Certes, il porte en lui un lourd secret mais Brian (Jules Pélissier), avec ses cicatrices voyantes et sa vie déjà obérée par la paternité, n'est pas obligé de le savoir.
Plasticien de formation passé aux clips, François Valla n'a pas les codes du cinéma français dominant. Tant mieux. Il a envie de raconter une histoire, de la faire vivre dans des décors qu'il aime travailler avec des lumières "flashies" ou saturées dans une couleur dominante.
On l'aura deviné grâce au titre du film, le "gentil" est le "méchant" et, peu à peu, le film qui avait commencé comme un film d'ados anodin, dans lequel chacun cherche l'âme sœur, "âme" étant un euphémisme pour désigner une partie charnue féminine, prend une dimension fantastique et sanglante.
Dans "Versus" de François Valla, on saluera la qualité du casting. Les jeunes filles, à commencer par Lola Le Lann et en poursuivant par Karidja Touré et Matilda Marty, sont toutes à l'aise dans leurs rôles quand même un peu réducteurs d'appâts pour prédateurs. Pareillement, les garçons, qu'ils soient du clan des dominants ou de celui des perdants, sont particulièrement représentatifs de l'époque. Jules Pélissier a évidemment fort à faire avec les Baffie et les Belmondo venus d'un autre monde que le sien. Il s'en sort à merveille. Que Nicolas Duvauchelle se méfie, il a là un concurrent redoutable sur lequel on n'hésitera pas à parier.
Comme tout film B, "Versus" de François Valla vaut pour son atmosphère qu'il sait rendre originale. On se doute que le réalisateur fait ici ses gammes. Des gammes d'une si évidente qualité qu'on espère que son film connaîtra plus qu'un succès d'estime... |