A ceux qui nous objecteraient que chroniquer Wraygunn en novembre sent le réchauffé, on répondra sans vergogne que le temps n'a pas de prise sur la note, surtout quand elle est bonne.
Leur musique, elle vient de là, elle vient du blues. Publier un disque lorsqu'on vient du Portugal constituerait déjà en soi un événement majeur, mais tenter le crossover et construire cette chapelle ardente…
L'oreille exulte et jure ses grands dieux que rien de semblable n'était arrivé à son tympan depuis bien longtemps.
Une autre époque, celle des champs de cotons et des guitares bluegrass, le temps du bottleneck et des cow-boys dans le soleil couchant. Eclesiastes 1.11 c'est un peu tout ca et bien plus encore. Legendary Tiger Man, Paulo Furtado à la ville, se trouve à la jonction des styles, mariant le blues au gospel, le métal au rap ("Juice"), la fusion aux sentiments. Plus qu'une visite des musiques d'hier, Wraygunn se les approprie, les malaxe et crée peut-être celle de demain. Basses obsédantes et tribales ("Sometimes I miss you") et orgues démoniaques ("Keep on prayin") jonchent le parquet ; gigantesque orgie musicale a cheval entre la soul de Sly dans the Family Stone et le rock de Chuck Berry.
Ces hommes sont fous, ils sont blancs. Et jouent la musique noire comme si leurs vies en dépendaient. Le temps d'un prêche placé dans les gencives ("Soul city"), Paulo Furtado touche à l'essentiel et sample Marthin Luther King, batterie up-tempos, guitares qui bavent et chœurs qui battent. L'auditeur ne s'en relève pas, tend l'oreille et se prend l'uppercut final sur "Don't you know", boogie sur fond de scratch chantée par Raquel Ralha, l'autre voix de Wraygunn. On pense à Robert Johnson, au Delta blues, BB King, aux cookies old-fashioned, aux publicités Uncle Ben's...
On pense à Wraygunn qui déterre les morts avec ses guitares en forme de pioches. Bien plus nutritif que le rock grassouillet des White Stripes
Musique des excès ou bande-son sexuelle, Eclesiastes 1.11 sera donc un disque de chevet, à placer entre Beggars Banquet et un John Spencer électrique, pour se repentir de ses péchés ô combien sataniques. Un disque pur et sale comme Elvis du temps de Sun Recordings...
Pour aimer Wraygunn, il fallait peut etre simplement aimer la musique. Alléluia mes frères et gloire à Paulo Furtado.
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