Opéra comique en 3 actes de Gerald Barry d’après l'oeuvre éponyme de Oscar Wilde, mise en scène Julien Chavaz avec Alison Scherzer, Steven Beard, Nina van Essen, Graeme Danby, Timur, Ed Ballard, Jessica Walker et Vincent Casagrande accompagnés par l'Orchestre de chambre fribourgeois sous la direction musicale de Jérôme Kuhn.
Quand les notes d'un compositeur contemporain irlandais, Gerald Barry, investissent la prose théâtrale de son célèbre compatriote "so british, Oscar Wilde pour la convertir en opéra comique flirtant avec l'opéra bouffe mis en scène par un metteur en scène suisse, Julien Chavaz, il en résulte un spectacle pour le moins inattendu et singulier qui ne chahute pas que les tympans
En effet, Gerald Barry signe un livret qui adapte l'opus original tout en conservant son titre, "The importance of being earnest", son argument et quelques beaux dialogues ciselés d'aphorismes, mais disqualifie son registre de comédie de moeurs, satire des travers de la bonne société victorienne sur fond de marivaudage avec les galanteries de futurs fiancés, teintée de vaudeville.
Ainsi, il l'implante dans celui de la folie comique d'une farce absurde avec une partition échevelée, détonante et explosive qui oscille entre dissonance et stridence avec une rythmique répétitive, le choix d'un chant saccadé, avec une prédilection pour le falsetto, évoquant, avec ses ruptures vocales, un "parlé-chanté" demysien dispensé par des parkinsoniens.
De surcroît, pour sa traduction scénique, Julien Chavaz surabonde dans ce sens, indiquant dans sa note d'intention, d'une part, que Oscar Wilde anticipant le théâtre du nonsense de Beckett et Ionesco, Gerald Barry s'est légitimement débarrassé du sens et donc que seule demeur sur laquelle il a travaillé pour démonter "la théâtralité du nonsense lyrique".
A cette fin, il ajoute la dislocation des corps à celle du chant avec des personnages frénétiques, désarticulés et animés d'un mouvement perpétuel, aux postures aussi extravagantes que caricaturales et mimiques cartoonesques ressortant au théâtre gestuel, challenge au demeurant réussi par les officiants.
Julien Chavaz procède également à une transposition dans les années 60 non par la scénographie qu'il signe avec Sévérine Besson - des pendrillons rose bonbon et des stores mobiles dans un tartan acidulé dont le chassé-croisé s'avère dispensable à défaut de valeur ajoutée - mais par les délicieux costumes confectionnés par celle-ci et leur code couleur.
Celui des bonbons anglais, différent pour chaque personnage, dont les rose girly et pêche abricotée pour les demoiselles, les verts céladon ou granny smith pour les dandys, et cela de la tête aux pieds, des perruques, élaborées par Sanne Oostervink aux chaussures.
Accompagnés par l'Orchestre de chambre fribourgeois sous la direction musicale de Jérôme Kuhn qui dispense une interprétation virtuose compte tenu des chausses-trapes et des délires sonores de la partition, les chanteurs relèvent le défi.
Mieux loti que la mezzo-soprano Jessica Walker et le comédien Steven Beard, Graeme Danby, à la stature imposante et à la voix de basse, saisit l'opprotunité d'un beau numéro d'acteur dans le rôle de la rombière tyrannique à barbe de trois jours et le baryton Vincent Casagrande réussit celui du bris de vaisselle percussionniste.
Et le ténor Timur, le baryton Ed Ballard, la soprano Alison Scherzer et la mezzo-soprano Nina van Essen aux trilles époustouflantes délivrent allègrement la comédie des fiançailles contrariées pour le seul plaisir du spectateur. |