Comédie dramatique d’après l'oeuvre éponyme d'Homère, adaptation et mise en scène de Pauline Bayle, avec Charlotte Van Bervesseles, Florent Dorin, Alex Fondja, Viktoria Kozlova et Yan Tassin.
C'est en 2015 que Pauline Baye a livré sa première version de "L'Iliade". Aujourd'hui elle poursuit sa lecture minimaliste de l'oeuvre d'Homère, en y adjoignant "L'Odyssée". Conçus séparément les deux spectacles peuvent être maintenant vus ensemble. C'est d'ailleurs la question qui se pose en préliminaire : faut-il voir l'intégralité de la grande geste antique, où préférer, à l'ère des "séries", la déguster en deux soirées ?
Cela implique de considérer les deux spectacles comme indépendants et dès lors de les juger comme tels, c'est-à-dire non pas de les amalgamer de facto, mais de les examiner l'un après l'autre, l'un contre l'autre.
A ce jeu, on est bien obligé d'admettre que l'adaptation de l'Iliade est plus réussie que celle de l'Odyssée et qu'il vaut donc mieux les voir séparément, et, d'une certaine façon d'aller à l'encontre de la logique, en commençant par le retour d'Ulysse à Ithaque et de finir en apothéose par une Guerre de Troie qui, avec cinq personnages, une adaptation très claire et un texte très pur, vaut largement le péplum qu'en a tiré Wolfgang Petersen avec des moyens considérables, et une distribution affolante comprenant Brad Pitt, Diane Kruger, Orlando Bloom et Peter O'Toole.
Comme Pauline Baye termine brutalement la prise de Troie par le choc titanesque entre Hector et Achille, laissant Ulysse conter l'épisode du Cheval dans l'Odyssée à venir, on sera saisi par cette fureur guerrière. En revanche, force est de constater que, malgré la même construction théâtrale, la fin de l'Odyssée traînasse un peu, l'épisode ultime avec les Prétendants étant sans doute aussi décevant que le dernier acte de "Game of Thrones".
Pour en revenir à l'Iliade, les cinq comédiens (Charlotte Van Bervesseles, Florent Dorin, Alex Fondja, Viktoria Kozlova et Yan Tassin) disent le texte, interprètent les personnages, mais sans se soucier de les incarner en toutes circonstances.
Il n'y a pas "un" Patrocle ni "une" Hélène, mais tous peuvent l'être, et les rôles féminins peuvent être tenus par des hommes et réciproquement. Pauline Baye a choisi la limpidité du discours plutôt que son illustration. Tout le monde est en jeans et en baskets, personne n'est en toge ni ne porte de boucliers ou de casques.
Quelques éléments matériels viennent parfois pour éclairer des scènes, comme l'irruption de seaux contenant de l'eau ou de la peinture, ou pouvant servir à allumer des feux. Conformément au poème d'Homère, les Dieux peuvent intervenir ou dialoguer entre eux, mais sans emphase et sans grandiloquence. Ils sont même souvent objets de moquerie de la part de la metteuse en scène qui ne les présente pas toujours à leur avantage et, pareillement, on ne sent pas un très grand respect des divinités par les hommes pourtant censés être les champions respectifs des Dieux qui se querellent.
Outre le parti formel d'un récitatif rythmé sous forme de choeur entrecoupé de morceaux de bravoure joués par les acteurs, on peut dire qu'on est ici devant une interprétation agnostique de l'Iliade.
Préfigurant "Le Désert des Tartares" avec sa guerre qui n'arrive jamais, ou simplement quand on ne l'attend plus, "Iliade" telle qu'elle est montrée par Pauline Baye est passionnante. Elle sait l'achever à son acmé avec la mort d'Hector, double fatalité puisqu'elle annonce la défaite des Troyens et la mort inéluctable d'Achille dont le sort était intimement lié à celui de son ennemi héroïque.
Cette très belle réflexion sur la guerre est aussi une entrée inspirée dans l'un des récits majeurs de la littérature mondiale. |