"Enlèvements, trafic d’êtres humains, séquestrations, abus sexuels, meurtres… Il y a un monde à côté du nôtre, invisible, effrayant, silencieux et pourtant terriblement réel. Ça se passe aujourd’hui, en Europe, et tout le monde ferme les yeux. Alors il faut bien que quelqu’un en parle."
Alors pour nous en parler, c’est Michel Moatti qui s’y colle. Michel Moatti est un ancien journaliste, professeur à l’université et romancier. Il est l’auteur de Retour à Whitechapel, unanimement salué par la critique et de Tu n’auras pas peur, prix Polar de Cognac 2017. Avec son nouveau roman, publié aux éditions Hervé Chopin, Michel Moatti plonge à nouveau le lecteur dans les profondeurs glaçantes de notre époque.
L’histoire se passe au cours de l’hiver 2019 dans le grand Londres. Anna Kaczor est retrouvée assassinée à coups de tournevis et tout le monde s’en fout… jusqu’à ce qu’on découvre que la jeune femme a été impliquée dans un scandale politico-sexuel retentissant. Dès lors, la police et la presse se jettent sur l’affaire dans une grande confusion.
Lynn Dunsday, web-reporter aux méthodes expéditives et à la plume aiguisée, décide de remonter la piste. Débute alors un terrifiant voyage entre Londres, l’Italie et le Nord de la Pologne, où des femmes sont recrutées par des organisations criminelles dont la violence est sans limites. Convoyées comme des marchandises vers l’Europe de l’Ouest, elles y nourrissent de vastes réseaux de prostitution.
C’est donc un triller gonflé sur une bien triste réalité que nous propose l’auteur français. Et force est de constater que la lecture de ce livre n’épargne pas notre présent et nos sociétés. Et il faut bien avouer que cette réalité est aussi agréable à lire qu’elle est épouvantable à accepter. Comme nous l’avions constaté chez Frédéric Mars et son superbe thriller La lame, on sent que l’auteur a construit son ouvrage sur la base de recherche sociologique et de prospectives.
Au-delà de cette triste réalité sur le trafic d’êtres humains et sur la prostitution, l’intrigue du livre, bien maîtrisée, permet aussi de porter un regard intelligent sur les métiers de la presse et du journalisme. Leur rôle, leur responsabilité et toutes les interférences qu’ils peuvent commettre sans le vouloir ou de façon plus délibérée sont assez finement analysés dans l’ouvrage, ouvrant une réflexion sur le phénomène chez le lecteur.
Tout est soigné dans cet ouvrage, de la couverture superbe à la citation de Yann Tiersen (que j’adore) en ouverture du livre jusqu’à la Playlist finale de qualité qui clôture l’ouvrage. Les chapitres sont courts au début de l’ouvrage, donnant du rythme à la lecture puis s’épaississent au fil des pages lorsque l’histoire et l’intrigue prennent du corps. L’écriture de l’auteur est fluide et agréable, en adéquation parfaite avec l’histoire et les thèmes abordés. L’auteur ne tourne jamais autour du pot, ses propos sont directs, glaçants et bouleversants sur de nombreux passages pour mieux nous empreindre de cette terrible réalité que vivent ces filles de l’est enrôlées pour venir à l’ouest.
Je n’avais encore jamais lu de livres de cet auteur (il n’est jamais trop tard), je suis donc ravi de le ranger maintenant parmi ceux que j’apprécie et je n’hésiterai pas prochainement à aller me lire l’un de ses précédents ouvrages.
Et tout sera silence s’avère donc être un excellent thriller, qui ne saurait laisser le lecteur indifférent (ou alors il y a un vrai problème chez ce lecteur) tant il nous prend aux tripes de par ce qu’il nous raconte sur notre présent et sur nos sociétés. |