Réalisé par Rémi Lange. France. Comédie. 1h53 (Sortie le 28 août 2019). Avec Rémi Lange, Adriano Dafy, Magali Le Naour-Saby, Antoine Janot, Vassia Chavaroche, Karim Rollamallah, Kathy Le Naour-Saby et Jérôme-Ramses Garcia de la Torre.
Troisième volet de son journal filmé, après "Omelette" et "Les Yeux Brouillés", "L'Oeuf dure" de Rémi Lange n'est pas ce que certains appelleraient un "OVNI filmique". Au contraire, le cinéaste poursuit une œuvre libre, consciente et cohérente où il fait de film en film de l'autofiction un art à part entière.
Plus proche de Joseph Morder que d'Alain Cavalier, le travail de Rémi Lange, jamais bavard, jamais sentencieux, toujours jouissif dans ses obsessions comme dans ses digressions, est d'abord synonyme de plaisir pour le spectateur.
Même si l'on n'est ni gay ni vraiment gay friendly et qu'on se fout totalement de la PMA,de la GPA, acronymes dont on serait incapable de traduire chaque lettre en mot, on se sent tout de suite en empathie avec le héros-réalisateur.
On lui pardonne toutes ses contradictions, comme quand il annonce qu'il va faire un film où on ne le verra pas... alors que, finalement, on le verra constamment sur l'écran. Tête rasée, ce pré-quinquagénaire arbore toujours un sourire, joue plutôt bien son propre rôle avec ses hauts et ses bas et parvient à une vérité qu'on ne lui contestera pas : "Je suis peut-être au fond de moi un grand comique".
Grand comique ? En tout cas, un grand espiègle qui trouve en Dino, Adriano Dafy, garçon d'une vingtaine d'années, un alter ego lui aussi très rigolo. Alors qu'il prépare un long métrage – une fiction classique avec Arielle Dombasle –, Rémi Lange auditionne des jeunes hommes pour un rôle important.
Surgit alors comme une évidence, Dino-Adriano, métis au physique logiquement de Daffy Duck qui va devenir son petit ami et bien plus : le moteur de "L'Oeuf dure".
C'est lui qui le convainc d'entrer dans la "modernité homosexuelle", de ne plus appartenir à la génération qui vit avec la peur du sida au ventre pour rejoindre la sienne, celle qui veut des enfants, et plutôt faits à l'ancienne, des "œufs frais de poule". Il faudra donc trouver la femme porteuse et lui faire un enfant.
Pour compliquer les choses, la candidate retenue est une actrice infirme moteur cérébral, Magali Naour-Saby, que l'on a vu dans "Indésirables" de Philippe Barassat. Un sacré bout de petite femme "libre et intrépide" comme elle le proclame.
Déterminée, les idées arrêtées et la langue bien pendue, elle entre dans le jeu avant tout pour jouer la comédie et c'est peu dire qu'elle est, nonobstant son handicap, une excellente actrice.
Enfermés dans une maison pour accomplir le grand dessein, Rémi et Magali, vont surtout beaucoup discuter et raisonner sur leurs mutuelles conditions.
Placé sous l'égide de "L'art d'aimer" d'Ovide, ce journal filmé est l'occasion de rebattre les cartes de la question amoureuse et de proposer au spectateur complice des pistes pour lui aussi se questionner.
Film qui ne cesse de se faire en se défaisant, "L'Oeuf dure" de Rémi Lange est une œuvre plein d'amour et d'humour. Jamais dans la caricature, toujours léger, il mérite une attention particulière d'autant plus qu'on se sent bien dans ce cinéma sans concessions.
L'auteur de "Le Chanteur" attend les fonds nécessaires pour revenir à la fiction proprement. On lui souhaite d'y parvenir rapidement... mais sans pour cela abandonner ce "journal filmé" fourmillant de pensées brillantes et de petites intentions touchantes.
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