Comédie dramatique de Joël Jouanneau et Sandrine Lanneau d'après le roman éponyme de Yves Ravey, mise en scène de Sandrine Lanno, avec Philippe Duclos et Grégoire Oestermann.

"Le Cours classique", partition à l'allure de tragi-comédie burlesque virant à la farce noire avant de sombrer dans le drame absolu conçue par Joël Jouanneau et Sandrine Lanno se focalise sur un évenement-incident récurrent devenu un fait de société contemporain traité comme un fait divers par les médias, un acte de violence perpétré par des élèves à l'encontre d'un professeur.

Au très select Collège Trinité, sollicité comme accompagnateur pour un cours d'EPS en piscine, Monsieur Pipota, le professeur d'anglais "old school", pauvre bougre timoré couleur de muraille, a été chahuté, rudoyé et presque molesté dans le grand bain.

Ainsi naît "L'Affaire Pipota" qui donne l'occasion au redoutable censeur Jean-François Saint-Exupery d'exercer son incomparable talent d'inquisiteur avec une méticulosité, une rigueur et, surtout, une implacabilité exceptionnelles dignes d'un agent de la police d'Etat des régimes totalitaires.

Et ce, alors même que la victime, bien que choquée émotionnellement, ne souhaite pas porter plainte, que le professeur principal des élèves instigateurs, le désenchanté Conrad Bligh, plaide la mansuétude et que, tant principale que la commission de discipline tendent à minimiser l'incident.

Car il y voit une inadmissible et intolérable atteinte à l'ordre d'autant que le professeur piètre nageur aurait pu périr noyé. Mais ceci n'est que la partie émergée d'un iceberg qui se révèlera, sinon comme un règlement de comptes, du moins comme un épisode d'une politique d'épuration de l'institution visant à la détection et la suppression de tous les éléments indésirables.

Sur fond de satire radicale de l'institution scolaire, l'opus élaboré d'après le roman éponyme de Yves Ravey, qui a sévi dans le professorat avant sa reconversion dans l'écriture, recèle une pétrifiante parabole sur la résurgence de la "bête immonde", un des fondamentaux de ce dernier.

Dans un dispositif scénique réfrigérant réalisé par Camille Rosa, métaphore du naufrage de l'Education nationale, avec l'ébauche d'une salle de classe devant une margelle de piscine, Sandrine Lanno dirige avec efficacité deux excellents et émérites comédiens.

Grégoire Oestermann campe admirablement le professeur accablé en plein désarroi cognitif dont l'humanité et la compassion sont laminées et Philippe Duclos, magistral dans le rôle du censeur sans affect ni état d'âme, dispense, et entre autres, une stupéfiante et saisissante scène d'anthologie lors du décryptage, avec la rhétorique interprétative fondée sur la présomption de culpabilité, des circonstances de l'incident.

Du grand art.