Comédie dramatique sur un texte de Tiago Rodrigues d'après un roman de Léon Tolstoï, interprétée par Isabel Abreu, Pedro Gil, Jolente De Keersmaeker et Frank Vercruyssen.
"The way she dies", un titre anglais pour un spectacle cosmopolite dispensé en trois langues, flamand, portugais et français, ce qui lui apporte une sonorité atypique, et articulé autour d'un roman russe, "Anna Karénine" deLéon Tolstoï, se référant à la fin tragique de son héroïne.
Car, sous la houlette et la plume de Tiago Rodrigues, comédien, metteur en scène et directeur du Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne, deux membres du collectif flamand tg STAN - Jolente De Keersmaeker et Frank Vercruyssen - et deux comédiens lusitaniens - Isabel Abreu et Pedro Gi - ont conçu, autour, notamment, de trois scènes majeures reprises en boucle par deux couples dans des configurations imbriquées en miroir, une variation du triangle amoureux.
Isabel Abreu et Jolente De Keersmaeker incarnent un avatar karéninien qui toutefois ne mourra pas par amour, au demeurant l'héroïne russe cousine de l'Emma flaubertienne, dont Tiago Rodrigues a déjà éprouvé la figure ("Bovary"), ne meurt-elle pas plutôt victime de ses désillusions. Et ce face à Pedro Gil et Frank Vercruyssen qui campent chacun alternativement le mari et l'amant.
Le roman de Léon Tolstoï constitue le fil rouge - livre de chevet annoté de la mère d'un des maris trompés qui est devenu sa bible profane, instrument de séduction pour le futur amant et roman de révélation pour la femme en quête d'amour, pour un opus annoncé par leurs auteurs comme une fiction contemporaine "sui generis" hors de toute adaptation ou transposition théâtrale de l'oeuvre originale.
Celui-ci à forte composante cinétique se développe par un quasi fondu-enchaîné de scènes s'affranchissant de la linéarité spatio-temporelle, et dont l'abondance dialogique évoque celle de la Post-Nouvelle Vague.
Il opère également - avec intelligence et acuité - une réflexion discursive, sur l'amour, l'influence de la littérature romanesque sur le lecteur, les frontières de la fiction et du réel et les conséquences de la traduction en cas de roman étranger, dont l'aspect dissertatif est tempéré par le jeu des acteurs qui le dispensent avec cette fausse nonchalance de l'impromptu du théâtre en train de se faire.
Certes les interprètes - aguerris et émérites - jouent sur du velours avec cette partition sur-mesure mais il serait de bien mauvais aloi de trouver la mariée trop belle. |