Non content de nous livrer sur un plateau son jazz venu d'Oslo, il fallait encore que Jay-Jay Johanson rameute l'hiver. Il fait froid ce soir rue Oberkampf. Le vent du nord souffle sous les manteaux du public venu en pèlerinage l'espace d'un soir sur le continent Johanson. Ca marche donc en rangs serrés à l'entrée pour découvrir le dernier album du Suédois, Rush.
Pour l'instant un courant d'air chaud envahit les oreilles, une surprise de taille portée par les mots de "Nos jours heureux", premier titre d'un artiste en devenir, emplit la salle.
Joseph d'Anvers, révélé par le CQFD des Inrocks, est donc bien là, au Bataclan, perdu dans une foule qui n'est pas la sienne. Une foule clairsemée pour défendre à bras le corps un album à paraître début janvier.
Un album aux sonorités parisiennes, la mélancolie des jours qui passent sur "Pigalle" ou "A contretemps". Le garçon venu de Nevers a, foi de rédacteur, de beaux jours devant lui. Seul à la guitare et à l'harmonica, Joseph d'Anvers pourrait bien être comparé à Benjamin Biolay et Vincent Delerm qu'on s'en ficherait encore tellement les mélodies sont belles.
Dernier titre et reprise d'une chanson de Taxi Girl, "Je suis déjà parti", et l'on se dit qu'en plus du reste l'homme a du goût. Espérons qu'il revienne vite.
L'écoute de Rush laissait présager d'une ambiance funky disco aux accents passéistes. On se voyait déjà entouré de psyché baba trentenaires amateurs de soirée rétro, la boule disco au plafond tournant sur elle-même. Un vrai cauchemar.
Et pourtant, la salle est comble et l'on est content de se tenir chaud pour voir apparaître le suédois habité par sa folie, sa poésie. "It hurts me so" débute sur fond d'ambiances jazzy, un pianiste touche à tout et la splendeur des fjords en images mentales.
On s'élève on se ravise, Jay Jay est un chanteur hors du temps, à l'air constamment perdu.
Emu : "Je ne vous ai pas vu depuis tellement longtemps, trop longtemps" dit-il, gêné et sincère comme seuls les vrais artistes savent l'être.
Un public connaisseur (événement rare dans une salle parisienne) frémit ensemble et vit l'instant comme un bonheur. Une première partie jazzy donc.
Un "Believe in us" à tomber, et l'impression que Jay Jay est un OVNI se confirme. On s'attendait à un groupe synthétique et froid, aux sonorités allemandes, et la chaleur de ce show reste après coup impressionnante.
Conçu comme un récital du meilleur des trois albums précédents, Jay Jay fait les fonds de tiroir, en ressort un "Whispering words" réellement habité.
Pas le temps de s'émouvoir, Jay Jay aborde Rush pour une deuxième partie résolument électro / 80' . On craint le pire tant ce dernier né s'avérait un brin criard à l'écoute.
Et pourtant, encore une fois, l'évidence s'impose : ces chansons sont taillées pour la scène.
"Rush" (titre éponyme), "Because of you" s'avèrent très modernes, abordant un autre aspect de la voix de Johanson.
La boule à facettes s'allume, forcément. Un "Rock it" et un "100 000 years" plus tard, le temps s'est arrêté, il est bien rare de croiser un artiste polymorphe, prêt à endosser tous les costumes.
"Tomorrow" chante le suédois en rappel, de sa voix lascive et lancinante?Demain il fera jour et les icebergs continueront de fondre. La Suède elle s'est trouvé un nouveau héros plus confortable qu'un sofa Ikea.
|