Comédie dramatique de Molière, mise en scène de Alain Françon, avec David Casada, Pierre-Antoine Dubey, Daniel Dupont, Pierre-François Garel, Gilles Privat, Lola Riccaboni, Joseph Rolandez, Régis Royer, Dominique Valadié et Marie Vialle.
Dans la mise en scène de Alain Françon, "Le Misanthrope" de Molière est introduit par des trompes de chasse sonnant l'hallali. Qui va être la victime de la curée annoncée ?.
Non le personnage-titre déjà mis au ban de la bonne société par son caractère acariâtre et atrabilaire et qui, de surcroît, a décidé de rompre avec le commerce des hommes dans un monde qui n'accepte pas son précepte pseudo-moral, celui d'exprimer sans filtre ses quatre vérités et les jeter sans ménagement à la face d'autrui, refusant de suivre les conseils de son ami Philinte pour opérer le distinguo entre l'hypocrisie et les règles de sociabilité.
Mais celle dont il s'est amouraché, la belle et coquette Célimène et paradoxalement, figure représentative du comportement honni et qui, fort sans doute du fait de l'immaturité de son jeune âge, a imprudemment consigné, par écrit ses persiflages qui, dévoilés, révèleront sa fausseté.
En l'occurrence, la déconfiture de Célimène, qui s'achève par la fin de non-recevoir adressée à Alceste, consommée en une journée, se déroule dans un immense vestibule de style classique avec en fond de scène un panoramique représentant des ramures enneigées, scénographie signée Jacques Gabel, au cours des multiples visites de son aréopage et une contextualisation à la mi-temps du 20ème siècle par les costumes de Marie La Rocca, ceux féminins inspirés du New Look de Christian Dior avec ses iconiques modèles du tailleur "Bar" et la robe "Corolle", et le style "zazou" pour les petits marquis,
Construite en deux parties, la première comme une satire illustrée des moeurs de la société du paraître et de la posture où règnent l'affectation, la dissimulation et la fausse amabilité dénoncée par Alceste, la seconde comme la conjonction des événements qui vont confondre Célimène, la partition peut s'appréhender tant comme une comédie comique qu'une comédie dramatique.
Considérant l'opus comme comme représentant "l’hiver des rapports humains", Alain Françon semble expérimenter une troisième voie, celle d'un état des lieux en glaciation de l'entre-soi des mondains fossilisés par la vacuité sociétale. Ainsi gomme-t-il toutes les aspérités comiques et caricaturales des personnages qui, dès lors, ressortent à des archétypes sans réelle corporéité.
Ce qui s'avère flagrant pour les petits marquis (David Casada et Pierre-Antoine Dubeyacaste) en presque sages clones duettistes, le fat rimailleur Oronte (Régis Royer) présenté comme un bon-homme qui espère voir reconnaître sa plume et Arsinoé la vétérante langue de vipère campée comme une femme tragique par Dominique Valadié.
Pour les personnages "censés" de ce microcosme, si Lola Riccaboni est une Eliante transparente, Pierre-François Garel tire son épingle du jeu et se révèle résolument comme une des valeurs sûres de sa génération.
Par ailleurs, Alain Françon a fait le choix, pour les protagonistes principaux, d'une distribution - avec un Alceste soixantenaire en la personne de Gilles Privat et Marie Vialle qui a le double des vingt ans de Célimène - qui affecte la crédibilité des personnages et rend paradoxal leur comportement.
Cela étant et dans ce cadre, l'interprétation est de qualité avec une prononciation émérite de la métrique et, selon l'expression consacrée "on entend bien le texte". |