Spectacle conçu et mis en scène par Claude Brozzoni et interprété par Guillaume Edé accompagné par le musicien Claude Gomez.
Dans "La véritable histoire du cheval de Troie", il ne sera question que marginalement d'Ulysse et de son cheval de bois. Ici, le texte fondateur n'est pas "l'Odyssée" d'Homère mais "l'Énéide" de Virgile.
Tout commence quand les Grecs, suite à la ruse du roi d'Ithaque, massacrent les Troyens. Guidé par le prince Énée, les survivants de Troie vont errer comme d'autres peuples avant eux jusqu'au moment où ils vont trouver leur terre promise, ou plus simplement leur "terre paisible", et fonder Rome.
L'adaptation de Claude Brozzoni transforme les Troyens en un peuple de migrants qui vont, peu à peu, devenir les ancêtres des "fils du vent", ceux qu'on appellera plus tard des Tziganes.
Le poème épique s'humanise parce qu'il est porté par un vagabond un petit chapeau sur la tête, un manteau et une valise à la main, qui d'aède se fera chanteur. Un chanteur puissant et plaintif à la fois dont la voix s'élève pour chanter les malheurs d'un peuple perdu, fuyant, traqué, à la rechercher éperdu d'une terre nourricière.
C'est Guillaume Edé qui incarne cet homme de nulle part en quête de fraternité. Son chant, dans une langue inconnue, qui doit être celle des gitans manouches, prend aux tripes. Comme ses vêtements paraissent datés du milieu du vingtième siècle, sa plainte rythmée par l'accordéon virevoltant de Claude Gomez ramène aux temps où ceux qui immolaient son peuple n'étaient plus Grecs mais d'autres barbares guidés par la svastika hitlérienne.
Gardant une grande part de mystère, à quoi s'ajoute la pudeur de ceux qui ne s'épanchent pas dans la lamentation, le personnage sans nom et sans origine, dont Guillaume Edé fait vibrer l'écho, parvient en un seul mot ou une seule note, à transformer en pure joie l'infinie tristesse.
Sur la scène, résonne son cri d'espoir, d'un espoir qui a survécu à tant d'épreuves. D'abord inaudible mais gravé dans sa chair pendant qu'on massacrait son peuple, ce cri jaillit. La joie est indicible, pleine encore des souffrances accumulées, mais déjà forte des premiers signes annonciateurs d'une nouvelle vie.
L'association de l'acteur et de l'accordéoniste fera frissonner un spectateur qui ne s'attendait pas que par l'intermédiaire de Claude Brozzoni et de ses interprètes le mythe archi-usé du Cheval de Troie lui ferait atteindre un pareil niveau d'émotion et un tel degré d'humanité.
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