L'atout des reines est d'être indétrônable. Et Dieu sait que les courtisanes se pressaient à la porte pour savoir si le cœur de Fiona Apple battait encore.
Un premier album culte (Tidal), un deuxième en dent de scie (When the Pawn) voila 6 ans. Et puis rien. Des rumeurs d'albums en préparation, le refus de Sony de commercialiser les démos en préparation, le tiroir pour Fiona et l'oubli.
Peu à peu. Il avait fallu donc repousser les Rachel Yamagata, les Regina Spektor pendant près de 6 ans. Femmes pianistes officiant dans le même royaume. Il avait fallu attendre la succession, venue grâce à la pétition des fans qui avaient la chance d'entendre les démos téléchargées sur le net. Le peer to peer a parfois du bon, se disait-on.
Extraordinary machine, le plus beau des prétendants, a donc été accouché par la reine voila quelques semaines. Fiona avait souffert, mais le résultat est largement à la hauteur des espérances. Thanks to Mike Elizondo, collaborateur des disques de Dr Dre ou Ice cube, auteur du remastering de Extraordinary machine.
Si les collaborations d'Elizondo laissent perplexe (le rap et Fiona Apple, un fossé musical évident), Extraordinary machine gagne en dynamisme et en force par rapport à la version officieuse. Réponse parfaite à When the Pawn, deuxième album mou du genou, ce troisième album remet les pendules à l'heure, arrache l'étiquette collant à la peau de Fiona Apple, "la pianiste romantique aux yeux bleus".
"Not about love", justement. Premier titre et première claque. Un piano, des mots et des violons. Sombres et lourds, à l'énergie rock. On pense aux Beatles, forcément, d'"Eleanor Rigby", de Girl, la voix rauque qui rugit et les orchestrations somptueuses et vitales.
Petit oiseau enfermé trop longtemps dans sa cage, Fiona Apple montre son jeu sans bluff. "Red Red Red", deuxième titre clairement à la hauteur d'un Shadowboxer, montre la maturité gagnée par la belle. Peu de répit, une production léchée, des chansons rentre-dedans.
Extraordinary machine est un recueil de perles plus lumineuses les unes que les autres ("Get him back"), une visite guidée de la cour des miracles ("Better version of me"). Un monde féerique plongé sous acide.
Extraordinary machine pourrait sans nul doute figurer au générique d'un film de Tim Burton, déluré et grandiloquent. A cheval entre l'incongru et les ambiances de jazz ("Oh Sailor"), Fiona rempile et crée un monde désenchanté sur fond de piano qui claironne.
On regarde la pochette de l'album et l'on retombe amoureux. Encore une fois.
|