Parlons de la vie de chroniqueur musical. Sachez-le, elle n’est pas faite que de cocktails d’après concert en espace VIP avec des représentants de la SACEM et de rendez-vous en "day use" avec des attachées de presse peu farouches, c’est aussi un combat. Pour la chronique qui suit, j’ai dû batailler sévère. Pourquoi ? Parce que je n’étais pas le seul sur les rangs à vouloir parler de Baden Baden, mais à force de menaces, de chantages, de dessous de table et de corruption en tout genre (1), j’ai obtenu de la part de notre guide suprême, enfin je veux dire de notre rédacteur en chef le privilège, l’honneur de vous parler de ce disque. Cet honneur, je le dois, je pense, avant tout à mon talent de chroniqueur mais ce n’est pas le sujet.
Parlons plutôt de Baden Baden, quand on se bat pour faire une chronique avec pour seul argument "Mais moi je les aime plus que toi", c’est qu’ils ont réussi quelque chose.
Parlons donc de Baden Baden, j’aime tellement ce groupe que je pourrais vous parler de leur musique sans vous parler du disque qui vient de sortir, vous parler des disques d’avant, des émotions que ce groupe suscite. C’est bien pour ça que je commence par des blagues, parce que là on va parler d’émotion, de choses qui touchent, pas de choses personnelles mais de choses intimes, et Baden Baden ne fait que ça, nous parler, parler de notre intimité de ce qu’il y a "au-dedans de moi".
Prendre l’arc, installer la flèche, le bander, viser, décocher et toucher... En plein cœur, directement au premier essai Coline, reprendre une autre flèche, refaire les mêmes gestes, viser, décocher, toucher presque plus précisément encore Mille Eclairs.
Là on se dit : "non, pas trois fois de suite"... ça n’arrive jamais sauf dans les films... Non ça n’arrivera pas. Voici La Nuit Devant...
Installer...
Bander...
Viser...
Décocher...
Toucher !
Encore une fois, sérieusement ? Ce n’est pas possible, la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit alors encore moins trois fois... Et pourtant... Comme ayant conscience que ce n’est pas possible, cette fois Baden Baden pousse le curseur encore plus loin, les potards sont à onze, plus mais moins. Moins pop mais plus électro. Moins évident, plus elliptique. Moins immédiat mais plus efficace.
Avec la voix toujours sur le fil d’Eric Javelle, avec ce qu’on pourrait appeler un "chant rentré", on peut aussi dire à fleur de peau cela ne semble pas usurpé, mais pourtant sans maniérisme. Julien Lardé le co-compositeur, et chanteur pour un titre "Ma chère" réussit d’ailleurs à se glisser dans ce qui caractérise une chanson de Baden Baden sans pourtant imiter ou faire du sous Eric Javelle, preuve s’il en est que le groupe a son style propre, son univers identifiable immédiatement et sans pour autant être auto-caricatural ou routinier.
La poésie des textes met en lumière le côté sombre des arrangements, et inversement. Certes, parfois la rime est facile mais dans ces cas-là, c’est au service de l’efficacité de la "percutance" (vous dites barbarisme je dis néologisme). Une écriture allusive pour des chansons au titre mystérieux "CLSS", "PLV", "LMR" qui permettra à chacun comme au cinéma de projeter ses propres interprétations, on retiendra qu’il est évidemment question d’amour, de sachets blancs, d’ivresse comme autant de fuite en avant, de façon de combler l’ennui et les séparations. Et si une mélancolie post-romantique parcourt tout le disque, ce n’est pas pourtant un disque triste, à la manière d’un Malik Djoudi, un déluge d’émotion dans une sorte d’electro qui fait bouger la tête et taper du pied.
Les compositions sont (alerte cliché) aériennes et légères, ce mélange entre des instruments "traditionnels" guitares, batterie, trompette (2) et une programmation plus moderne, donne un disque aux sonorités assez iconoclastes dans le paysage actuel, se permettant des formats libérés de toute contrainte commerciale, des chansons sans refrain, une longue chanson avec une seule phrase de texte, comme un mantra une prière "Je voulais la violence, te baiser, la romance".
Je pense que vous l’aurez compris, ce nouvel album de Baden Baden est une réussite, en se permettant de pousser un peu plus loin encore les expérimentations sans pour autant renier les albums précédents, Eric Javelle et Julien Lardé s’imposent comme de grands pourvoyeurs d'émotions et de grands faiseurs de chansons, de celles qui marquent, de celles qui touchent, de celles qui ne ratent jamais leur cible.
(1) Pour les détails sordides, me contacter.
(2) Les groupes à trompette, ce sont toujours des bons groupes : Cake, Calexico, etc.
(3) Je vous ai dit que j’adorai les notes en bas de page.
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.