Lui, il aime les biographies, et lui, il dessine pas mal. Ensemble, ils s’attèlent au génie métallique du XIXème siècle, a priori froid et ambitieux : Gustave Eiffel. Lui, c’est Martin Trystram, et lui c’est Xavier Coste, et ça c’est A comme Eiffel, un joli roman graphique au charme désuet des années industrielles de notre charmante patrie.
Bien avant que la Gaule ne s’encanaille à la hussarde de l’autre côté de la grande mare, bien avant qu’elle ne soit donneuse de leçons conventionnelles sur la qualité des graines que nous devrions tous ingérer dès à présent, bien avant la stérilisation systématique de nos propos, l’état français se donnait les moyens de ses ambitions conquérantes à grands coups de féminicides et d’esclavage. Non, tout n’était pas mieux avant, mais c’est un autre débat. Revenons à nos moutons.
Les Gaulois donc. De la grande industrialisation de notre pays nous gardons tous un peu de charbon dans les voies aériennes, une couche d’ozone en piteux état, des rapprochements de territoire et la grande dame de fer. Bon, OK, il y a d’autres trucs aussi dont l’énumération serait longue et savoureuse, mais là n’est pas le propos.
Nous y voilà, la dame de fer, la Gauloise, pas la frigide femme d’affaire cup-of-tea, mais notre fier phallus d’acier dressé au beau milieu du Champ-de-Mars, la grande tour qui pique le cul du ciel : la tour Eiffel. Imaginée par un Gustave Eiffel constructeur de l’extrême, modeleur de métal et d’arcades.
Mais qui se cache derrière cet ambitieux architecte ? Un bourreau de travail, certainement, un perfectionniste de la symétrie, assurément. Et l’homme ? Qui était-il vraiment ? Quel cœur battait derrière cette redingote cintrée et ce rigide plastron ? C’est ce que Xavier Coste et Martin Trystram racontent dans cet album aux contours nets et aux couleurs douces.
De sa remise de la légion d’honneur en grande pompe à une chute provoquée par des envieux, Gustave Eiffel a sillonné le monde pour faire progresser les constructions monumentales du XIXème siècle. En remplaçant la pierre par l’acier, il amorce le début des constructions vertigineuses, et son succès grandissant attise les jalousies. Et l’homme ?
La dimension romanesque sans laquelle A comme Eiffel serait un manuel d’architecture entre en scène. Les femmes de la vie de Gustave Eiffel s’entrecroisent au fil des pages. Sa mère inquiète, sa sœur, sa femme, sa fille et son grand amour : sa cousine Alice. Les auteurs nous révèlent la part secrète du personnage, qui devait faire grassement jaser dans les petits salons de son époque. Cette blessure d’amour qui guide les pas de son destin d’architecte grandiose.
Un roman graphique distrayant, une parenthèse romantique dans un air chargé en plomb, un moment de lecture à savourer en chaussettes, une boisson régressive à portée de main. |