Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce L'Incinérateur de cadavres
Juraj Herz  novembre 2019

Réalisé par Juraj Herz. Tchécoslovaquie. Drame/Triller. 1h36 (Sortie le 20 novembre 2019 – 1ère sortie 25 octobre 2000). Avec Rudolf Hrusinsky, Vlasta Chramostova, Jana Stehnova, Jiri Menzel, Ilja Prachar, Eduard Kohout, Mila Myslikova et Vladimir Mensik.

"L’incinération est un geste très humain. Elle débarrasse l’homme de la crainte de la mort." Et qui pourrait dire que le bon Monsieur Kopfrkingl n’est pas tout ce qu’il y a de plus humain ? Regardez-le entouré de sa famille, sa céleste épouse, ses deux beaux enfants. Le visage rubicond et satisfait d’un homme qui aime bien son travail, dans un imposant et clinique crematorium.

Face à lui, on se tait et on écoute. Face à lui, on se tait et on écoute. C’est un bon bourgeois tchèque, qui achète des cadres pour embellir son intérieur, bien installé dans la société. Un entrepreneur prospère et avenant. Cette image de bourgeois, d’une tranquille amoralité, n’est pas dépourvue d’humour.

Ainsi, l’homme qui prône les valeurs familiales et le respect du mariage se rend régulièrement au bordel. Un raccord malicieux le fait passer directement, à travers un geste, de la chambre d’une prostituée à son salon. Un tel homme peut aisément retourner sa veste, et passer de contrats d’incinération à un contrat avec l’Allemagne triomphante. Passer du bon Tchèque au bon Allemand.

Monsieur Loyal loquace, il est le guide et le personnage principal de ce cirque qu’est la société de son temps, et qu’il fait traverser avec efficacité au spectateur. Le montage, remarquable de rapidité et d‘invention, lui confère d’ailleurs un étrange don d’ubicuité. Le personnage semble se déplacer sans effort dans l’espace et le temps, grâce à des raccords mouvements d’une grande audace. Des gradins de la salle de boxe aux rangs du public de la foire, il fait du monde un spectacle grotesque, fait de violence et de répétition.

Dans le musée des horreurs, les statues de cire et les acteurs se mêlent, si bien qu’on ne sait plus qui est qui. Les mêmes personnages reviennent, comme des acteurs de second plan qui ne cessent de jouer le même rôle, des pantins coincés dans une éternelle répétition. L’usage du grand angle accentue cet effet circassien : le monde apparaît comme une vaste piste, un univers clos et inquiétant qui se referme sur ceux qu’il enserre.

Cette impression d’enfermement est aussi due à l’obsession spéculaire qui parcourt le film : les personnages se heurtent sans trêve à leur propre reflet, êtres doubles, partagés entre aspiration au Paradis et vie en Enfer. M.Kopfrkingel n’est pas exempt de ce travers, lui qui pose devant une toile de Jérôme Bosch pour expliquer son fantasme d’éther, lui qui ne cesse de qualifier son épouse de "céleste" et qui voit une sombre figure, tout droit sortie d’une toile expressionniste, le suivre partout en ville.

M.Kopfrkingel marche avec la mort, mais cela ne le dérange pas. Il faut simplement que la mort ne soit pas sale. En ce printemps 1938, l’incinérateur n’a qu’une obsession : la contamination. Il refuse e toucher les carpes qui doivent être tuées pour le repas de Noël. Il garde une collection de mouches sous cadre. La contamination du sang "aryen", par le sang juif, ce sang qu’en bon incinérateur, il lave à grandes eaux après l’avoir fait couler.

Dans le "Temple de la mort" dont il se voit la divinité nouvelle, le Dalaï Lama, la mort est aseptisée. Rien ne lui fait plus plaisir que de faire visiter ses locaux, où les cadavres attendent sagement de disparaître dans cette cendre qui est la même pour tous. Sa propre salle de bain, une immense pièce d’une blancheur immaculée, fait sa fierté et sa joie. Et finira par devenir le centre d’un crime aussi propre que possible.

L’obsession de M.Kopfrkingel évoque sans ambiguïté la Shoah, et la disparition en fumée d’un nombre terrifiant de corps. Le montage donne à la simple parole du personnage principal une valeur performative. Qu’il cite un nom, et la personne évoquée apparaît à l’écran.

Apparition qui semble signer son arrêt de mort, et prononcée d’une voix tranquille par cet incinérateur bonhomme d’une politesse exquise, et qui répugne à se salir les mains. Qu’il touche une tête de son peigne, bâton de la mort, et le destin du malheureux semble statué. A travers ce personnage sans scrupule de "L'Incinérateur de cadavres", Juraj Herz invente un langage cinématographique d’une rare puissance pour décrire un être terrifiant de banalité.

 

Anne Sivan         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco

• Edition du 2024-04-14 :
L'île - Damien Manivel
Amal - Jawad Rhalib

• Edition du 2024-04-07 :
Le Naméssime - Xavier Bélony Mussel
 

• Archives :
Yurt - Nehir Tuna
Le squelette de Madame Morales - Rogelio A. Gonzalez
Le Jeu De La Reine - Karim Aïnouz
Laissez-moi - Maxime Rappaz
L'innondation - Igor Miniaev
El Bola - Achero Manas
Blue Giant - Yuzuru Tachikawa
Alice - Jan Svankmajer
Universal Theory - Timm Kroger
Elaha - Milena Aboyan
L'Homme d'argile - Anaïs Tellenne
Means Girls, Lolita malgré moi - Samantha Jayne et Arturo Perez Jr
Sirocco et le royaume des courants d'air - Benoit Chieux
La Venus d'Argent - Helena Klotz
Ricardo et la peinture - Barbet Schroeder
A L'intérieur - Vasilis Katsoupis
Le Gang du Bois du Temple - Rabah Ameur-Zaimeche
Juniors - Hugo Thomas
Oppenheimer - Christopher Nolan
Les Meutes - Kamal Lazraq
Mission : impossible – Dead Reckoning Partie 1 - Christopher McQuarrie
Love Life - Koji Fukada
Le prix du passage - Thierry Binisti
Kokon - Leonie Krippendorff
Nothing but a man - Michael Roemer
Pulse - Aino Suni
La Femme de Tchaikovski - Kirill Serebrennikov
La ferme à Gégé - Florent Verdet
Amore Mio - Guillaume Gouix
J'aurais voulu être astronaute - Comédie de Paris
- les derniers articles (2)
- les derniers cineclub (6)
- les derniers concerts (20)
- les derniers expos (1)
- les derniers films (1684)
- les derniers interviews (15)
- les derniers spectacles (4)
           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=