Tragédie d'après l'oeuvre éponyme de William Shakespeare, mise en scène de Julien Kosellek, avec Laura Clauzel, Ayana Fuentes Uno, Viktoria Kozlova, Sophie Mourousi et Tatiana Spivakova. Dans le cadre d’une programmation théâtrale de relecture, réappropriation, redécouverte et réinterprétation de textes classiques initiée au Théâtre L'Etoile du Nord, la Compagie Estrarre présente le "Macbeth" de Shakespeare revisité par Julien Kosellek qui, de manière époustouflante, remplit ce cahier des charges
Aux termes d'une adaptation libre de la tragédie shakespearienne entendue comme "une apocalypse, un dévoilement du mal absolu" qui contamine et détruit l'homme, et Macbeth, paraphrasant l'auteur, comme étant "de l’étoffe dont sont faits les cauchemars", il en livre une version furieuse et burlesque qui, dans un crescendo maelstromique et une débauche d'hémoglobine à la manière du Grand Guignol, mène inexorablement à la dévastation.
Pour relater cette inexorable chevauchée vers l'abîme engendrée par la soif de pouvoir du couple Mabeth afin de compenser des frustrations personnelles, il a élaboré une partition sous forme de tableaux mêlant récits et scènes dialoguées innervée de chants polyphoniques sur une composition musicale de Ayana Fuentes Uno et Laura Clauzel.
Et il a convoqué quintet d'excellentes comédiennes, musiciennes et chanteuses capables d'assurer une "interprétation" placée sous le signe de la dramaturgie du corps, "une esthétique de la confrontation" des écritures, des genres et des disciplines et un jeu en adresse au public s'affranchissant des codes conventionnel de la représentation, du réalisme à la règle de l'emploi pour le comédien notamment celui sexué, pour tendre vers la performance Dans un dispositif scénique et des lumières crépusculaires signées conjointement par Xavier Hollebecq et Julien Kosellek, un dais de bois flotté, évoquant la fameuse forêt qui marche, auquel sont accrochés les symboles du pouvoir ainsi que des têtes de morts grimaçantes et le bébé sanglant, le futur bras justicier, tout commence par l'inquiétante mélopée babélique des sorcières universelles, porteuses du fatum et divinités vengeresses. Sur scène, sous la houlette de Julien Kosellek, vêtues à l'identique, sweat à capuches, bombers ou smoking, tels des clones activistes, Ayana Fuentes Uno, Sophie Mourousi, Tatiana Spivakova (les "weird sisters" également en charge du rôle des autres protagonistes), Laura Cluzel (Lady Macbeth) et Viktoria Kozlova (Macbeth), composent un choryphée sauvage dont la rythmique et la dynamique post-punk ne sont pas sans évoquer celles des Riot grrrl ou, dans un registre certes différent, des Dakh Daughters ukrainiennes.
Et, chacune pour sa part et toutes à l'unisson, elles dispensent une prestation ébouriffante pour un "Macbeth" aussi inédit que roboratif.
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