Carmen Maria Vega
(Editions Flammarion) novembre 2019
Elle a le regard d’une ville en flammes et le charisme d’une reine de sabbat. Fière et flamboyante seraient les premiers mots à venir à la bouche de celui qui la rencontre pour la première fois. Avec une gouaille à couper au couteau et une sensibilité féministe, Carmen Maria Vega présente son premier roman Le Chant du bouc.
"Je suis la fille de feu qui dit toujours impec même quand ça brûle un peu" ("La fille de feu")
Autobiographique, l’ouvrage est accompagné de l’EP Santa Maria Remix, comprenant des titres de son album précédent remasterisés (comme son nom l’indique). Neko Flash, The Supermen Lovers, Strapontin, Damage et 2080 se sont attelés à donner une autre dimension aux morceaux, les faisant entrer dans l’ivresse de la sphère électronique. Un album à écouter les bras en croix, en tournant sur soi-même, le menton levé, jusqu’à ce que les sens troublés semblent s’éparpiller de toutes parts.
"Je ne sais pas d’où vient cette chanson, ce thème aigre doux me brûle au fond, il ne m’en reste que quelques bouts, mais ils me blessent plus fort que tout" ("Aigre-doux")
Le Chant du bouc retrace la longue et douloureuse quête d’identité de Carmen Maria Vega, qui a grandi sous l’identité d’Anaïs et qui s’est appelée Angie pendant les neuf premiers mois de sa vie. C’est avec une lucidité étonnante que la chanteuse et comédienne partage les tourments de ses origines, les doutes qui accompagnent chaque fausse piste, les angoisses de ne jamais trouver de réponse, la peur vissée au creux du ventre comme un scorpion fourrageur.
L’histoire est honteuse : Carmen Maria Vega est un nom inventé par un gratte-papier dans une agence d’adoption pour activer la planche à billets d’abord, brouiller les pistes entre les biologiques et les adoptants ensuite. Malheureusement pas assez banale, l’histoire est tragique. Au prétexte d’offrir le bonheur d’un enfant à des parents débordants d’amour (et avec un chéquier), des associations volent des bébés, séparent des fratries, exploitent de la crédulité de parents confiants, produisent des faux sans complexe. Du trafic d’enfant. Beurk.
"J’entame le voyage, j’espère éviter le naufrage, J’écrirai l’odyssée à l’encre de ma rage" ("Santa Maria")
De son enfance au goût d’inachevé "Je me construis sur un passé fictif mais mes fondations sont branlantes", du chaos des investigations "Vas-y, essaye de m’emmener dans les ténèbres. Mon je m’en-foutisme est mon armure. Viens, je t’attends" à la vérité "Comment, après mille hallucinations d’oasis, une pluie diluvienne s’abattrait sur mes épaules brûlantes, l’unique mousson annuelle d’un Sahara inhospitalier et que ma bouche se remplirait d’eau sans que je prenne la mesure de la délectation salvatrice qui viendrait de s’opérer", le roman est troublant de franchise. Carmen Maria Vega a eu plus d’une fois l’occasion de lâcher l’affaire, mais c’était sans compter ce souffle incandescent qui l’anime, cette soif de connaissance. L’expression "faire éclater la vérité" prend tout son sens sous sa plume. Parce que la vérité, c’est parfois une slut aussi.
Magnifique dans les douleurs qu’elle tait et les larmes versées, indomptable dans ses franchises et ses rires en forme d’uppercut, tenace et tendre, elle a la fragilité des femmes et la rage des survivants. Un roman sincère. Un album touchant.
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