Pour Olivier Gallmeister, l’éditeur de Sukkwan Island, peu de livres ont le pouvoir de changer votre vie. Il y a un "avant" et un "après" Sukkwan Island. L’histoire de Jim et de Roy, un père et son fils, partis vivre seuls sur une île déserte est bouleversante, choquante et terrible. Pour la décrire, les qualificatifs sont nombreux. Vous adorerez ce livre ou vous le détesterez, mais une chose est certaine : jamais vous ne l’oublierez. Et de combien de romans peut-on dire ça ?
Ce n’est donc pas une surprise de voir les excellentes éditions Gallmeister nous proposer la réédition de Sukkwan Island de David Vann avec une préface de Delphine de Vigan et une postface de David Vann sur la genèse de l’ouvrage.
Aux Etats-Unis, Sukkwan Island fait partie d’un recueil de nouvelles, Legend of a suicide, publié en 2009. En France, Gallmeister fait le choix de publier séparément la plus longue des nouvelles de ce recueil : c’est Sukkwan Island, en janvier 2010. Immédiatement, le livre est repéré et défendu par les libraires et la presse. Tous parlent de cette fameuse page 113 et de ce jeune auteur au talent incroyable. Le succès est énorme et le prix Médicis étranger vient couronner le livre en novembre. Depuis, l’auteur bâtit livre après livre une œuvre extraordinaire qui vient souvent puiser son inspiration dans son histoire familiale qui touche toujours à l’universel.
Alors voilà, si vous n’avez pas encore eu le privilège de lire cet ouvrage, cette superbe réédition vous permettra de connaître l’histoire de ce père et de ce fils au milieu d’une île sauvage de l’Alaska, de lire ce livre majeur et de vivre une expérience unique.
Une île sauvage du sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. La rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar, et la situation devient vite incontrôlable. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.
Superbe ouvrage que ce Sukkwan Island, construit autour de deux parties bien distinctes, avec dans un premier temps le point de vue de Roy, le fils, puis la voix du père Jim dans un second temps. La première partie décrit les doutes qui s’insinuent dans l’esprit de Roy. Il découvre la fragilité de son père, sa lâcheté aussi et la nécessité de le soutenir. La deuxième partie est une véritable descente aux enfers. L’ensemble couvre donc une histoire tragique qui se prolonge après un évènement marquant, un drame qui arrive comme un coup de poing au cours du livre, que je vous laisse le soin de découvrir, le tout dans un univers hostile merveilleusement décrit par la plume de David Vann.
Le style utilisé par l’auteur est un mélange de froideur et de noirceur, une écriture clinique qui donne une dimension angoissante à la lecture. Dès les premières pages, cette confrontation entre un père immature et dépressif et son fils, revêche et immature, laisse à penser au lecteur qu’un drame semble inévitable.
Tout est parfaitement maîtrisé dans cet ouvrage. Il y a d’abord cette nature, omniprésente, rude et hostile qui traverse l’ouvrage. Il y a cette relation père-fils, déstabilisante à souhait et violente aussi. Relation faite de tourments multiples, de réactions pas toujours adaptées, souvent disproportionnées qui font que le lecteur a du mal à avoir de l’empathie et de la sympathie pour les deux. Il y a aussi cette manière de nous décrire les tourments qui empoisonnent la vie de Jim, les questions qu’il se pose, la raison qui le fuit, ses atermoiements et son manque de lucidité.
Et puis il y a l’écriture de l’auteur, sublime, qui fait que le lecteur se retrouve plongé au cœur de cette île sauvage, au cœur de cette relation père-fils, témoin d’un drame qui arrive, oppressé par une lecture où la tension monte au fil des pages.
Alors voilà, Sukkwan Island est un livre qui vous happe dès les premières pages pour ensuite vous scotcher et qui finit par vous conquérir, non sans passer par de nombreuses émotions au fil des pages. Autour d’une narration magnifique, qui met en avant une nature sauvage et cruelle et qui creuse au plus profond de la nature humaine, David Vann s’affirme avec cet ouvrage comme un écrivain exceptionnel que je vous invite vivement à découvrir si vous ne le connaissez pas encore. |