Comédie de Caryl Churchill, mise en scène de Marc Paquien, avec Charlotte Clamens, Danièle Lebrun, Geneviève Mnich et Dominique Valadié. Pour traiter du thème de l'apocalypse écologique et humaine qui constitue le scénario catastrophe au centre des préoccupations majeures de ce début de 21ème siècle, la notoire dramaturge britannique Caryl Churchill emprunte à l'eschatologie chrétienne.
Et plus précisément à l'épisode biblique de l'épreuve de Job dont la ruine lui est annoncée par des messagers proférant l'antienne "Moi seul rescapé je me suis sauvé pour te l’annoncer" qui inspire le titre original de son opus "Escaped alone".
Caryl Churchill procède "à l'anglaise", humour british inclus, dans la situation du fameux et institutionnel "tea time" entre voisines, trois seniors sourdes aux propos-prophéties d'une inconnue, selon le degré de rationalité du spectateur, lanceur d'alerte, visionnaire atteinte du syndrome de Cassandre ou rescapée dystopique, relate la fatale issue des dérives contemporaines dans une déclinaison du déluge, des dix plaies d'Egypte et les tourments du jugement dernier.
Pour l'adaptation française intitulée "Du ciel tombaient des animaux" visant donc expressément le livre de Apocalypse avec la pluie d'animaux considérés comme les instruments du mal sur terre, Marc Paquien a opté pour une scénographie minimaliste d'esquisse de jardin au fusain de Emmanuel Clolus, une mise en scène statique génératrice d'une atmosphère d'inquiétante étrangeté et une distribution magistrale. Car pour interpréter, selon son indication, cette “comédie au goût de fin du monde", Marc Paquien dirige quatre magnifiques comédiennes.
Parfaite dans le rôle de l'oracle, et seule à quitter sa chaise, Dominique Valadié, s'avance en bord de scène pour délivrer, en adresse au public, le "fatum" rendu stupéfiant par son timbre de voix et sa scansion atypiques et, en l'occurrence, dépourvus de tout affect.
Ses partenaires, qui, figées dans un passé-présent, campent tout aussi efficacement les autres personnages, des moulins à paroles à la manière des "Talking Heads" d'Alan Bennett, auteur compatriote de la même génération que Cary Churchill, qui devisent non pas tant toutes ensembles mais chacune de manière autocentrée et ressassante.
A savoir Charlotte Clamens en dépressive hippie "flower power" avec jupe longue imprimée et fleur piquée dans les cheveux, Geneviève Mnich en jean version cow girl urbaine et Danièle Lebrun en mamie-gâteau en dentelles atteinte d'ailurophobie et époustouflante dans la narration de sa peur des chats. Et donc, une mémorable, et sublime entre rire et effroi, tea party. |