Nouvelles de Dino Buzzati, adapatation de Xavier Jaillard, mise en scène de Xavier Jaillard et Grégori Baquet, interprétées par Grégori Baquet.
Il y a une dizaine d'années, Xavier Jaillard adaptait pour la scène "Le K", un livre de nouvelles de Dino Buzzati et confiait à Grégori Baquet le soin d'interpréter la quinzaine de nouvelles tirées du recueil de l'auteur du "Désert des Tartares" Aujourd'hui, c'est une nouvelle version de l'ouvrage du romancier italien qui réunit de nouveau Xavier Jaillard et Grégori Baquet. Un peu plus courte, deux nouvelles ayant été éliminées, elle est illustrée musicalement par une bande-son joyeuse de Frédéric Jaillard, qui d'emblée a choisi une tarentelle entraînante pour entamer cette petite balade au cœur de l'Italie d'après-guerre. Depuis 2009, Grégori Baquet s'est aguerri aux techniques théâtrales en se faisant notamment remarquer dans "Un obus dans le coeur" de Wajdi Mouawad qui lui vaudra en 2014 le Molière de la révélation théâtrale. C'est donc avec plus de légèreté, une plus large palette dans son jeu, qu'il reprend "Le K"... et qui le reprend littéralement puisque l'élément majeur du décor reste un grand morceau de bois verni magnifiquement sculpté en forme de "K". Pouvant devenir une table, un lit ou bien sûr la lettre "K", cette pièce pourtant monumentale prend à chaque fois une vraie importance puisqu'on attend sa transformation qui contribue à donner toute sa dimension poétique à ce spectacle simple et évident qui ne connaît aucune baisse de régime. Après "Le K", Xavier Jaillard s'est confronté une seconde fois à Dino Buzzati en s'attaquant à son livre culte : "Le Désert des Tartares". Grand connaisseur du maître italien, il s'est gardé de tomber dans le piège que n'ont pas su éviter les scénaristes du film de Valerio Zurlini. Et, par conséquent, n'a pas fait une adaptation littérale d'un roman qui n'est qu'un rêve du Lieutenant Drogo attendant un ennemi fantasmatique dans un fort fantomatique. Ecrit 20 ans après, le "K" décrit un univers apparemment plus quotidien mais peu à peu, un petit frisson fantastique. Buzzati s'interroge constamment sur ce moment ultime où l'on sera face à soi-même, sans faux-semblants, et où il faudra, dans l'éternité de sa dernière seconde d'existence, procéder à un examen de conscience pour déterminer si l'on a réussi ou raté sa vie avant que l'on comprenne que cela n'a déjà plus aucune importance.
Sans en avoir l'air, tout à leur plaisir de réveiller les mots de Buzzati, Baquet et Jaillard, prennent le spectateur par la main pour les conduire là où, dans un dernier sourire, la poésie triomphe à jamais de la métaphysique. |