Concerts dispensés par l'Ensemble Les Apaches sous la direction musicale de Julien Masmondet.
Le jeudi 23 janvier 2020 sera pour l'Ensemble Les Apaches une date importante puisque elle restera dans les mémoires comme sa "soirée manifeste", avec un double concert, comprenant des œuvres pas forcément très connues de Maurice Ravel, Erik Satie, Igor Stravinsky et Maurice Delage et des créations mondiales contemporaines de Pascal Zavaro, Fabien Touchard, Julien Matton et Fabien Cali. Ces "Apaches", ou plutôt ses "nouveaux Apaches" menés par Julien Masmondet (directeur artistique et musicale) et Pascal Zavaro (compositeur) reprennent le nom d'une Société fondée en 1900, et active jusqu'à la première guerre, réunissant des poètes, des musiciens, des compositeurs, des peintres. Tous les samedis, les Apaches se réunissaient chez le peintre Paul Sordès, le poète Tristan Klingsor ou chez Maurice Delage à Auteuil. Les Apaches actuels vont reprendre le même principe d'associer des musiciens avec d'autres artistes. Ainsi, le romancier et poète Mathieu Enard, prix Goncourt en 2015 pour "Boussole", est partie prenante et la soirée aura été l'occasion de créer "Beyrouth" une œuvre récitée par Didier Sandre, pensionnaire de la Comédie française, et mise en musique par Fabien Cali, Jules Matton et Fabien Touchard. Dès la première partie de la soirée, on découvre le climat que veulent créer les Apaches. Le Quatuor Daphnis, quatuor à cordes de l'ensemble (Eva Zavaro et Ryo Kojima, violons, Violaine Despeyroux, alto, Alexis Derouin, violoncelle), inaugure la soirée avec l'unique quatuor de Ravel. Ces musiciens qui vont participer au premier concert sont derrière une légère toile transparente. Initiée par la scénographe Casilda Desazars, ce décor sera l'occasion pour Bernard Martinez, chargé de la création visuelle, d'agrémenter les morceaux de jolis effets. Notamment, de temps à autre, les portraits des musiciens ou des poètes se promèneront un instant sur la toile. On retrouve l'ambiance pleine de fantaisie qui définissait tous les créateurs du début du siècle dont Les Apaches se réclament. D'autant plus quand le baryton Laurent Deleuil rejoint le quatuor pour interpréter les "Trois poèmes de Mallarmé" mis en musique par Ravel et surtout "Les Ludions" d'Erik Satie sur des textes de Léon-Paul Fargue, dont le plus célèbre, "la grenouille américaine". Le quatuor enchaîne ensuite avec une création mondiale, un quatuor de Pascal Zaravo, dont on avait découvert à l'Athénée le très inspiré opéra "Manga Café", et qui ne dénote pas du reste, car le travail du compositeur s'inscrit visiblement dans la continuité des grands maîtres inspirant l'ensemble Les Apaches. Ce programme qui eut suffi à faire une soirée n'en était donc que la première partie. Dans la seconde, c'est tout l'ensemble Les Apaches qui va jouer et sans le filtre d'une toile. Au quatuor à cordes, s'adjoindront les flûtistes Tristan Bronchart et Marie Laforge, les clarinettistes Sarah Lefèvre et Joséphine Besançon ainsi que Bastien Nouri au hautbois et Annabelle Jarre à la harpe sous la direction musicale de Julien Masmondet. Tout commencera par "Miroirs" de Ravel, suivis des "Quatre poèmes Hindous" de Maurice Delage et des "Trois poésies de la lyrique japonaise" d'Igor Stravinsky qui seront interprétés par la mezzo-soprano Fiona McGown. On voit là le goût du début du 20ème siècle pour l'Asie bouddhiste, pour l'exotisme et un ailleurs particulièrement bien servis par les poésies maniérées de Mallarmé et les promenades spiritualistes de Fargue. En contrepoint, la création du texte de Mathieu Enard par le trio de compositeurs Fabien Cali, Jules Matton et Fabien Touchard revient lui aussi vers l'Orient, un Orient plus proche et plus moderne, mais toujours susceptible d'être retranscrit dans une musique qui se souvient justement de celles de Stravinsky ou de Ravel. Pour cette pièce en quatre moments, s'ajouteront à l'ensemble Les Apaches le pianiste Thomas Palmer et le luthiste Damien Pouvreau. Dans sa proclamation, l'Ensemble souhaite défendre et illustrer des "créations miroirs au croisement des arts". Ce premier grand concert, qui met la barre très haut, y parvient. Certes, on peut penser que le menu était un peu trop roboratif, Pourtant, malgré l’extrême richesse de son contenu, on retiendra qu'il a été propice à une poésie musicale délicate, mystérieuse et s'envolant avec aisance vers la plénitude artistique. |