Comédie dramatique de Abi Morgan, mise en scène de Delphine Salkin, avec Christiane Cohendy, Roxanne Roux, Laurence Roy et Anne Sée.
Dans le palais présidentiel d'un pays étranger en proie à la dictature, Micheleine, la maîtresse de maison, reçoit Kathryn, une journaliste venue interviewer son mari. Il y a là également Geneviève, la meilleure amie de Micheleine ainsi qu'une jeune traductrice, Gilma, à la traduction plus qu'approximative et kleptomane.
Dans l'attente du dictateur, le quatuor va s'observer et évoluer. A mesure que la soirée avance et que la lumière disparaît, les nouvelles de l'extérieur parviennent de plus en plus inquiétantes semblant apporter pour le couple présidentiel une menace imminente.
D'abord très cocasse en raison notamment des difficultés de communication entre les personnages, de la traduction grossière de la traductrice et des nombreuses apartés qui procurent de savoureuses répliques, "Splendeur", la pièce de l'auteure britannique (et scénariste pour le cinéma) Abi Morgan va changer rapidement de tonalité et se déployer en variations comme un quatuor musical.
Construite sous forme de puzzle avec une chronologie aléatoire, la pièce (intelligemment traduite parDaniel Loayza) s'éclaire peu à peu par les monologues des différentes protagonistes et notamment de la journaliste qui, extérieure au pays, peut apporter à la situation le regard le plus objectif. C'est aussi dans les détails retenus par sa mémoire, ou dans les défaillances de celle-ci, que se déroule la soirée.
En dépit des redondances dues au procédé de répétition ainsi que les banalités inévitables échangées en début de rencontre, la tension parvient toutefois à s'installer, et la deuxième partie est le moment le plus intéressant du spectacle.
Accompagnée très efficacement par la bande son angoissante de Pascale Salkin, l'ambiance glisse peu à peu vers une noirceur glaçante. On suit alors la soudaine déchéance de la femme du dictateur, tout comme celle de ce régime duquel on assiste à la désagrégation et dont il ne reste bientôt plus que quelques débris, pareils à des pelures d'oranges renversées sur le sol.
La mise en scène de Delphine Salkin donne corps à cette histoire et en développe sa complexité prenante. Elle dirige subtilement un quatuor de comédiennes épatantes qui cachent chacune de lourds secrets. Anne Sée est une mystérieuse Kathryn, Laurence Roy incarne une émouvante Geneviève et Roxanne Roux, une bien étrange Gilma.
Quant à Christiane Cohendy en femme de dictateur qui sent bien le monde s'écrouler autour d'elle mais tente à tout prix de sauver les apparences et de garder la face jusqu'au bout, elle est magistrale. |