Scénarisé par Thomas Cadène et dessiné par Joseph Falzon, Alt-Life explore un possible intéressant. Et pas si éloigné.

L’histoire commence dans un futur pas si lointain, pas si far far away que ça, dans un monde surpeuplé et pollué comme jamais. René et Josiane sont les cobayes d’une nouvelle aventure. Ils confient leur corps à une machine et leur cerveau fait le reste. C’est à la force de leurs neurones qu’ils se transportent tous les deux dans une réalité virtuelle le long de plages paradisiaques et vides de monde. Ils sont seuls.

L’album explore avec intelligence les facettes de l’identité. Le doute, le désir, la satisfaction et la frustration sont bouleversés par cette nouvelle réalité. Josiane assouvit tous les fantasmes de la libido alors que René plonge dans la frustration du virtuel. En gros, Josiane baise pendant que René réfléchit. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire disait le bon vieux Sénèque. Il s’agit bien de ça. Le péril. Est-ce que tout avoir est vraiment ce que l’on veut ? Le pragmatisme de Josiane fait face aux doutes d’un René blasé.

Alt-Life chemine dans une passionnante philosophie, à commencer par Descartes pour qui l’existence se matérialise par la pensée. Les auteurs vont plus loin quand les faits et gestes de leurs protagonistes se confrontent directement à notre réalité de petit terrien du XXIème siècle. Alors que nos quotidiens tournent autour des buzz people et des partages sur les réseaux sociaux, Alt-Life nous amène à nous questionner sur les valeurs intrinsèques de nos comportements.

Et nous, que ferions-nous à la place de Josiane et René ? Si tout était possible, alors plus de frustration, sans frustration, est-ce que le désir persiste ? Si tout était possible, la liberté serait légion et le libre choix un crédo, et les autres ? Deviendrions-nous tous de sales égoïstes qui ne pensent qu’à leur nombril ?

Quand Josiane la nympho-woman est submergée par ses pensées devenues incontrôlables, René le cérébral-man a la solution, qui a la forme d’un espace neutre, tout de feng shui et de silence. Un petit coin sympa. Tranquille. Et authentique. Exactement ce qu’il manque au monde virtuel. Finalement, quand tout est permis, l’ennui s’installe, le désir s’éloigne, la douleur et les mauvaises odeurs rendent l’existence fade, l’âme ne peut pas se passer du corps.

Sophistiquée, la bande dessinée accroche par sa palette de couleurs magnifiques, ses planches en forme de tableaux grandioses et ses fantasmes artificiels à la Matrix. Philosophique, le fil conducteur pose une multitude de questions sur l’identité, le paraître et la surconsommation. Individualisme, quels ravages tu fais dans nos espaces ! Alt-Life rassemble ces sujets en une aventure passionnante, celle de Josiane et René.

Conclusion, vive les chaussettes qui puent et les gamelles dans la forêt.