Seul en scène conçu par Charlotte Escamez d'après le récit éponyme de Sylvain Tesson mis en scène et interprété par William Mesguich. Dans la bibliographie de Sylvain Tesson, journaliste, globe-trotteur et écrivain qui a notamment oeuvré dans le genre du récit de voyage, Charlotte Escamez a choisi l'essai autobiographique intitulé "Dans les forêts de Sibérie" récompensé en 2011 par le Prix Médicis pour en transposer sur scène la substantifique moëlle dans un opus monologal.
L'opus relate une réclusion volontaire de six mois en Sibérie dans un ancien abri de géologue planté au bord du lac Baïkal à la manière - profane - de l'anachorète pour "s'inventer une autre vie, deux saisons, l’hiver et le printemps, pour expérimenter le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix et se métamorphoser".
Cette expérience érimitique, inscrite dans une inextinguible quête de soi et du sens de la(sa) vie qui demeurait inassouvie malgré de nombreux voyages et consignée au jour le jour, se caractérise par une déconnexion totale - spatiale, temporelle et cinétique - avec la réalité pour s'immerger dans le silence, la solitude, l'immobilité et l'immanence.
Et ce Robinson des temps modernes, qui n'est pas parti sans bagage car il a notamment emporté livres et bouteilles de vodka pour combattre les rigueurs du froid et de l'isolement,voulait explorer - et éprouver - trois hypothèses philosophico-existentielles : la liberté consiste à posséder le temps, la richesse à disposer de solitude, d'espace et de silence et être pleinement vivant en étant mort au monde.
Dans une scénographie naturaliste de Grégoire Lemoine, l'intérieur rudimentaire d'une cabane en rondins de bois, avec la belle création lumières de Richard Arselin et des inserts sonores et visuels judicieusement choisis, William Mesguich, également au jeu, signe une très réussie mise en scène et en voix.
Magie du verbe et éloquence sensible, William Mesguich fascine l'auditoire en l'entraînant, tel un invisible compagnon, et l'invitant à mettre ses pas dans les traces du protagoniste qu'il incarne avec flamboyance.
Maîtrisant le périlleux exercice de la partition conçue tant comme l'épique épopée d'un homme au coeur de la nature-matrice qu'un voyage intérieur, contemplatif et méditatif, mais non exempt d'échappées oniriques et fantastiques, voire même humoristiques, et à l'incertain dénouement, sur le chemin du détachement, il dispense avec ardeur et justesse une éblouissante prestation. |