Beethoven : Intégrale des sonates pour piano
(Warner Classics) janvier 2020
Fazil Say est un véritable personnage : fougueux, éclectique, complexe, ardent, passionné, libre, engagé (musicalement, culturellement, politiquement), viscéralement attaché à son pays, la Turquie, et à son héritage, sa tradition culturelle.
C’est un immense pianiste et un compositeur qui commence à prendre de l’épaisseur (Concerto pour violon 1001 nuits dans un harem, opus 25, Symphonie n°1 Istanbul, opus 28, Symphonie n°4 Umut, "Hope", Concerto pour piano nº 2 "Silk Road", Symphonie n°2 Mesopotamia, opus 38, L’oratorio Nazim...). Sa musique, sa façon de la jouer étant indéniablement le reflet de sa personnalité et de ce qui l’anime.
Après les sonates de Mozart (magnifiques), il s’attaque à un autre des pinacles du genre : les 32 sonates de Beethoven. Bien sûr, il y a ces interprétions références qui sont autant une sorte de sommet que des jalons pour tout pianiste : celles de Kempff et Kovacevich (indépassables ?) et puis Biret, Backhaus, Schnabel, ou Gulda auxquelles on ne peut s’empêcher de penser. Mais celle du pianiste turque n’a pas à rougir face à elles.
D’abord le pianiste fantasque, que l’on avait tant aimé dans l’intégrale Mozartienne, montre ici une fidélité à la partition, ce qui change donc de ses débuts, mais l’on sent toujours cette personnalité poindre sous chaque geste musical, notamment dans les mouvements lents. Il a même, par rapport à ses enregistrements antérieurs repensé certains éléments, plus posé dans les dynamiques et ses choix de tempo.
C’est ce volcan, son tempérament, cette passion qui anime cette énergie beethovénienne, cette poétique ardeur et qui donne des moments exceptionnels. Mais en plus de cette énergie beethovénienne, Fazil Say dévoile les doutes, les ruptures, l’humour, la poésie de la raison beethovénienne. Peut-être pourrions-nous dire qu’il est plus dans l’émotion que dans la démonstration, à l’opposé de la version de Maurizio Pollini en quelque sorte.
Une puissance dramaturgique pleine de contrastes donc, avec de l’humanité, du mystère, du relief, une recherche musicologique (les premières sonates ne sonnent pas comme les dernières et l’on sent cette évolution stylistique et formelle) et harmonique où il révèle toute une dimension orchestrale.
Une puissance dramaturgique pour une lecture en profondeur, interprétation lumineuse et magistrale. Une intégrale hautement recommandable donc.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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