Avec un témoignage de douleurs répétées qui font les grands maux, Bruce Mutard n’est pas le type qui détend l’atmosphère direct avec Souffre-douleur, un roman graphique qui fonce dans le tas. Et pas pour le meilleur. Quoique…
Tiré de son expérience personnelle, l’histoire est celle de Bruce, 12 ans, timide et pas sportif. Un ado quoi… C’est à l’issue d’un jeu de mots stupides du roi des cons de son collège, genre de quarterback sans acné (monde cruel…) qui parle beaucoup et plus fort que les autres, le mec de la reine des abeilles, le roi du bal de promo… Bref, à l’issue d’un jeu de mot stupide, Bruce devient le souffre-douleur de l’établissement.
"Mike Rayess. L’instant d’avant, j’ignorais jusqu’à son existence, et voilà qu’il surgissait pour devenir le fléau de la mienne."
Sans répartie (est-ce que la situation aurait été différente avec de la répartie ?), en compagnie de témoins gênés (ravis de ne pas être la cible ?), voire impavides, Bruce est convaincu de l’impossibilité à sortir de la situation autrement que par la violence.
"La plupart des garçons de mon âge passaient sans doute leurs nuits à se branler. A la place, moi, j’entretenais des fantasmes de vengeance. C’était le seul lieu où je pouvais donner libre cours à ma haine et ma colère."
Arrivé à l’université, il développe un humour corrosif peu apprécié de ses professeurs mais qui lui évite d’avoir peur. Il aime choquer, est grisé par le sentiment d’effroi qu’il inspire autour de lui. "C’est ce que les harceleurs doivent se dire".
Puis il commence une carrière de dessinateur de BD, enfermé dans une petite pièce rassurante : "Ce refuge dédié à la création, est devenu un endroit exigu où regarder en moi-même. En me détournant du monde extérieur". Atteint de sévères troubles alimentaires, il est le geôlier de sa prison mentale. C’est contre lui-même qu’il livre une bataille acharnée.
Tout est parti de la réflexion blessante d’un camarade qui aime rire au dépend des autres. Et les adultes ? Et les profs ? Et les camarades ? Les années 80…
Le harcèlement scolaire, ce fléau. Est-ce que les sensibilisations et les journées de prévention mises en place régulièrement depuis moins d’une dizaine d’années défendent les Bruce ? Pour le moment, il y a surtout ceux qui scandent haut et fort "je suis harcelé" parce qu’ils veulent un traitement de faveur (si si), et il y a encore ceux qui se taisent. Bruce s’est tu. Par honte. Par manque de confiance. Pour ne pas empirer. Pour ne pas aggraver. Parce qu’il se croyait coupable ? Coupable de quoi ?
Sincère et autobiographique, tout de noirs et de blancs, Souffre-douleur trace le parcours d’un élève harcelé à sa lente autodestruction. Il creuse les origines des maux qui se situent parfois bien au-delà des actes, il alerte sur la fragilité émotionnelle de certaines personnalités, il fait prendre conscience d’un mal destructeur.
Combien se taisent encore ? |