Continuant mes lectures biographiques proposées par les éditions Perrin, passant après celles concernant des empereurs romains, d’autres plus récentes consacrées à des monarques ou des tsars, me voilà embarqué dans celle d’une des figures de la 5ème république, plusieurs fois ministre, député, sénateur et maire, un certain Michel Rocard.

A la baguette de cette superbe biographie se trouve Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil qui y enseigne l’histoire et la communication politique. Pierre-Emmanuel Guigo a donc décidé de consacrer son cinquième ouvrage à un homme politique majeur de la 5ème République, une figure majeure de la gauche de la fin du 20ème siècle.

Premier ministre, plusieurs fois ministre, député, sénateur, emblématique maire de Conflans-Sainte-Honorine, Michel Rocard (1930-2016) compte parmi les personnalités les plus populaires et les plus notables de la Ve République. Marqué par sa formation à l’ENA, le protestantisme et le syndicalisme, il a toujours privilégié les dossiers, les réformes ambitieuses et les réalisations concrètes. Secrétaire national du Parti socialiste unifié de 1967 à 1973, avant de rejoindre le parti socialiste, il se passionne pour les débats d’idées et l’innovation sociale au contact d’une myriade d’intellectuels français et internationaux. La lutte interne qu’il amorce au sein du PS à partir des années 1970 contre son premier secrétaire, François Mitterrand, tourne progressivement en sa défaveur, contrariant le destin national auquel il semblait promis.

Ainsi, il ne parviendra jamais à se faire élire président de la République. Dans le sillage de Pierre Mendès France, Rocard, en définitive, incarne le visage idéal de l’homme Politique, mais pas sa réalité. Cette biographie, écrite à partir de sources inédites?? En particulier ses carnets personnels, et dans laquelle le plaisir de lecture le dispute à la rigueur de l’historien, retrace le parcours d’un homme qui, toute sa vie, délaissa les manœuvres tactiques et d’appareil au profit d’une approche à la fois trop technique et cérébrale du Politique.

Passionnant, l’ouvrage nous fait découvrir l’homme et le politicien. De sa jeunesse, auprès d’un père qui voulait faire de lui un scientifique à son image, on découvre comment il s’inscrit à sciences-Po dans le dos de son père. On le suit ensuite dans sa découverte du militantisme et de la haute fonction publique. Il fait partie de la même promotion qu’un certain Jacques Chirac qu’il tente de faire rentrer, sans succès, parmi les étudiants socialistes. On découvre aussi la place de sa confession protestante qui joua un rôle important dans son engagement puis sa vie politique. On voit ensuite qu’il va au cours de sa vie se distancer de cette religion sans complètement la quitter.

On suit ensuite son parcours au sein du PSU, ses premières interventions médiatiques et sa première rencontre avec François Mitterrand. On y découvre un homme de combat, notamment au moment de la guerre d’Algérie (où il s’opposera à Mitterrand), au moment de la crise de mai 1968 où il tentera de donner un débouché politique à cette crise.

Son combat principal sera peut-être celui qui le voit affronter Mitterrand avant les élections de 1974. Alors principal opposant à Mitterrand au PS, il est alors crédité des meilleurs sondages concernant la présidentielle de 1974 face à VGE. Homme de conviction et de promesse, il refusera de se présenter à cette élection pour laisser le champ libre à Mitterrand qui ne sera pas élu. La situation se renouvelle en 1981 et l’ouvrage nous montre bien les manœuvres mitterrandiennes pour qu’il ne se présente pas.

L’ouvrage traite aussi pour une bonne partie de sa gouvernance en temps que premier ministre. Michel Rocard fit de grandes réformes, regretta de ne pouvoir intervenir que dans la politique intérieure de son pays, laissant au président celle concernant l’extérieure.

Michel Rocard fut aussi député européen pendant près de quinze ans, montrant son intérêt pour différents domaines, l’environnement, la coopération avec les pays pauvres, le développement du numérique et les pôles. Il finira d’ailleurs ambassadeur de France chargé de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique.

Alors voilà, cet ouvrage m’a passionné et m’a fait découvrir un très grand homme politique que je ne connaissais pas bien, un homme politique intègre et honnête, avec des convictions, un homme d’engagement et de combat, bien loin de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.

Dans une période où la population a tendance à s’éloigner du politique en n’allant plus voter notamment, il est bon de lire ce genre d’ouvrage concernant des hommes politiques qui auraient pu connaître un autre destin politique s’ils avaient été reconnus à leur juste valeur.