Les Marquises ont toujours été un groupe, qui n’en est pas vraiment un, disons plutôt le projet de Jean-Sébastien Nouveau (Immune, Recorded Home, Colo Colo), saisissant.
Depuis ses débuts avec le superbe Lost lost lost en 2010, il cultive un univers déroutant. Nous avions eu peur à l’époque que ce disque si singulier, inspiré de l’œuvre d’Henry Darger et de son The Story of the Vivian Girls, in What is known as the Realms of the Unreal, of the Glandeco-Angelinnian War Storm, Caused by the Child Slave Rebellion ne connaisse de suite.
Bien au contraire, la pop expérimentale ne cessera de s’affiner, d’affirmer son originalité sur les disques suivants (Pensée Magique en 2014, A Night Full Of Collapses en 2017, Le Tigre de Tasmanie en 2018) pour atteindre une sorte d’acmé avec La Battue. Peut-être parce que ce disque correspond le plus à l’image, à l’esthétique que souhaite en faire Jean-Sébastien Nouveau. Ce qui était à la base plutôt comme un collectif, un ensemble à géométrie variable, où pouvaient intervenir d’autres musiciens comme Matt Elliott, Christian Quermalet, Olivier Mellano ou Jordan Geiger se recentre autour de lui et de son ami Martin Duru (avec qui il a fondé Colo Colo et Immune et qui a écrit notamment une partie des textes).
Jean-Sébastien Nouveau a composé et arrangé ce disque, il assure seul le chant et s’accompagne seulement du percussionniste Jonathan Grandcollot et du batteur Rémy Kaprielan. Le rythme tient donc ici une place importante. Il est comme une ossature, presque tribale. De ce rythme, qui est comme un bouillonnement, née une sorte de magma organique, intense, synthétique, mélodique et pénétrant. Il est aussi question de vibrations, le vibrato obsédant dans "Older Than Fear" en est un exemple, de choix de timbres, de densité sonore.
Une naissance, ou une renaissance pour quitter l’enfance et l’adolescence, regarder vers le futur, qui est, à l’image de la pochette, comme une transformation. Et on replongera longtemps dans cette musique "In the Realms of the Unreal"...