"C'est une heure incertaine, c'est une heure entre deux
Où le ciel n'est pas gris même quand le ciel pleut" Françoise Hardy, "Le corps et l’esprit"
Le point de départ de ce disque est l’intense concerto pour violon et orchestre à cordes de Karl Amadeus Hartmann et des liens philosophiques qui peuvent se faire avec Hildegarde Von Bingen.
Si L’heure bleue est ce moment entre la fin de la nuit et le lever du jour, elle est cette heure où tout se joue.
Écrit au début de la Seconde Guerre mondiale, le Concerto Funèbre du compositeur Karl Amadeus Hartmann, férocement opposé au nazisme est une œuvre originale et puissante qui est une dénonciation, une réaction aux événements tragiques qui se produisent dans le monde au moment de sa composition, notamment à l’invasion de la Pologne et à l’annexion de la Tchécoslovaquie.
Sombre et intense, entre moments introspectifs et d’autres plus tumultueux, le troisième mouvement, rappelant Bartók est en cela très représentatif de cette œuvre, ce superbe concerto comporte de nombreuses références. Dans le premier mouvement, on entend le choral : "Vous qui êtes les combattants de Dieu", qui apparaît également dans le Má Vlast de Smetana, qui ouvre la pièce, référence à l'annexion nazie de la Tchécoslovaquie.
Dans le quatrième mouvement on retrouve une citation de la chanson "Unsterbliche Opfer" (Victimes immortelles), une marche funèbre russe utilisée dans les cérémonies pour commémorer les héros de la résistance et les soldats soviétiques et également citée dans la 11ème symphonie de Chostakovitch.
Chostakovitch que l’on retrouve ici dans deux pièces pour octuor à cordes. Œuvres de jeunesse, mais d’une grande puissance dramatique.
En contrepoint à ces pièces pleines de force, Marianne Piketty et Le Concert Idéal interprètent 3 œuvres lumineuses d’Hildegarde Von Bingen, religieuse, compositrice et femme de lettres née en 1098 et morte le 17 septembre 1179 : "O magne pater", "Rex noster promptus est" et "Vos flores rosarum". La très belle œuvre de Philippe Hersant, "Une vision d’Hildegarde", fait le lien justement entre d’Hildegarde Von Bingen et le concerto d’Hartmann. Hersant utilise la mélodie de Von Bingen : "O vis Aeternitatis" et le choral "Vous qui êtes les combattants de Dieu" et mène sa composition vers une lumière presque salvatrice.
Entre profondeurs et lumière ce disque, magnifiquement interprété, est comme une profession de foi en l’Homme.