Comédie dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène de Guillaume Gras, avec Ivan Cori, Marie Guignard, Eurialle Livaudais, Bruno Ouzeau, Nicolas Perrochet et Gonzague Van Bervesseles.

Rarement un texte théâtral classique aura été aussi en résonance avec le monde actuel. Dire qu'Henrik Ibsen, qui a écrit "Un ennemi du peuple" en 1882, n'est pas un moderne sera d'autant plus une gageure après qu'on a vu la version qu'en donne Guillaume Gras.

Pollution, corruption, collusion, manipulation, tous les maux d'aujourd'hui défilent, s'accumulent, se sédimentent quand le docteur Tomas Stockmann, médecin dans une ville dont son frère est le maire, découvre que l'eau des thermes qui font la richesse de la cité est polluée.

Lanceur d'alerte sans le savoir, il est tellement naïf qu'il pense être par sa découverte être le héros du jour et que, de toutes parts, les félicitations vont s'abattre sur lui. Il ne sait pas, lui qui n'a pas écouté la chanson de Guy Béart qui sera composée cinquante ans après la disparition d'Ibsen que "le première qui dit la vérité, il doit être exécuté".

Le dispositif quadri-frontal, qui fait du public un juge proche, parti-prenante au mauvais quart d'heure que va vivre le docteur, est renforcé par par la conception de la scène qu'a Guillaume Gras. En effet, il a su s'adapter aux conditions nouvelles nées de la pandémie.

Alors que les acteurs devaient s'asseoir au premier rang dans un carré de chaises où ils côtoyaient les spectateurs, les voilà, démasqués, totalement reconnaissables, au milieu d'une assistance, elle, bâillonnée, composée de témoins muets, hostiles à celui qui va leur faire perdre leur travail ou leurs ressources.

L'irrémédiable logique d' "un ennemi du peule" va alors se déployer et sceller le sort du Docteur Stockmann.

Guillaume Gras donne une version simplifiée, mais pas simpliste du drame d'Ibsen. Cette bonne introduction à un théâtre politique visionnaire qui reste vraiment contemporain est servi par six acteurs heureux de pouvoir enfin remonter sur les planches.

Dans le rôle du docteur Tomas Stockmann, Nicolas Perrochet est très convaincant. Ce qui lui arrive va lui ouvrir les yeux. Cet "ennemi du peuple" en une heure et quart devient un homme libre qui dit "non", et par conséquent, quelqu'un qui finira par faire triompher ses idées humanistes.