Spectacle conçu et mis en scène par Julie Timmerman, avec Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Jean-Baptiste Verquin et Julie Timmerman.
Après "Un Démocrate", où elle a fait connaître à beaucoup la figure controversée d'Edward Bernays, neveu de Freud et publicitaire américain, père spirituel de la propagande moderne avec son maître ouvrage "Propaganda ou Comment manipuler l'opinion en démocratie", Julie Timmerman poursuit dans "Bananas (and kings)" sa redécouverte salvatrice des mauvais côtés du camp occidental. Cette fois-ci, là voilà au Guatemala dans les années cinquante pour une affaire que seuls les lecteurs assidus du Monde Diplomatique connaissent encore : celle du coup d'état perpétré conte Jacobo Arbenz Guzman, premier président de la République, élu au suffrage universel dans un pays connu pour ses juntes militaires. Et son éviction, dans laquelle entre parenthèses Mister Bernays tint son rôle en faisant croire à ses compatriotes yankees qu'Arbenz était un communiste farouche, sentait la banane américaine. Ils sont quatre sur scène, deux femmes (Anne Cressent et Julie Timmerman) et deux hommes (Jean-Baptiste Verquin et Mathieu Desfemmes) pour jouer une bonne quarantaine de personnages, du président Arbenz (interprété par l'auteure elle-même) à Churchill, un cigare à la main et pas à son avantage. Rythmée, entre revue de cabaret et bande dessinée, la pièce de Julie Timmerman dénonce les méfaits de l'United Fruit Company, compagnie étasunienne, qui, pendant des dizaines d'années fit la pluie et le beau temps chez les producteurs de banane d'Amérique du Sud, empêchant ceux-ci d'être dirigés par des gouvernements démocratiques qui oseraient demander un meilleur partage des profits bananiers. En racontant l'histoire tragique de la chute du président guatémaltèque qui avait voulu réduire le rôle de l'United Fruit dans son pays, Julie Timmerman ouvre le grande livre noir des multinationales qui, aujourd'hui encore, tiennent dans leurs mains le sort de pays entiers. Elle réussit le tour de force d'être claire dans son propos sans sombrer dans un didactisme qui pourrait rebuter tous ceux qui aiment les "marques" sans savoir le dégât qu'elles causent, notamment dans les pays les plus pauvres où elles ont délocalisé leurs productions pour profiter d'une main à si bas coût qu'on n'est pas loin d'une nouvelle forme d'esclavagisme. En presque deux heures qui s'écoulent vite, le temps de ranimer la belle figure de Jacobo Arbenz, qui préfigure celle du Chilien Allende, Julie Timmerman dit beaucoup de choses et tout cela sans oublier qu'elle est sur scène et qu'elle fait aussi œuvre théâtrale. Paradoxalement aussi légère aussi que profonde, sa forme est parfaite pour expliquer les méfaits du capitalisme et la mise en coupe d'un continent par le pays qui le domine.
Aujourd'hui, l'United Fruit poursuit ses basses œuvres, mais sous le nom moins évocateur et un peu plus local de "Chiquita Brands". Heureusement, grâce à Julie Timmerman, on va désormais se rappeler que derrière ce délicieux fruit jaune, pas très bio d'ailleurs, il y a les larmes et le sang de ceux qui de temps à autre, comme Arbenz, cherchèrent à combattre son injuste hégémonie. |