Si Yahya Hassan est mort, à 25 ans, a-t-il cependant vécu ?

En postulant que la vie est un état avant tout physique voire physiologique, la réponse ne se pose pas. Selon ce principe l'amibe ou le micro-plancton vit, merci pour eux.

Mais vivre, pour l'être humain est aussi, et avant tout, faire des choix conscients, réagir en permanence à son environnement, interagir avec la Polis et le Logos, voire s'inscrire dans une poétique inconsciente (pour une liste exhaustive merci de demander à Luc Ferry, il n'a que ça à foutre).

Une amibe ou le micro-plancton n'échappe pas à son déterminisme biologique. C'est d'ailleurs en cela que son destin indiffére complètement les animalistes ou anti-spécistes. Il n'y a pas d’anthropomorphisme possible avec ces animaux. Donc pas d'empathie potentiellement génératrice de buzz. Donc que l'amibe et le micro-plancton aillent bien se faire foutre.

En écrivant ce livre autobiographique, Yahya Hassan prenait exactement ce risque de n'engendrer aucune empathie pour le lecteur. Un récit victimisant sur le déterminisme social en banlieue (fut-elle danoise) ? Merci bien, mais non. Il suffit d'écouter 10 minutes de Skyrock / Mouv' pour faire le plein d'auto-apitoiement bavouillant.

Yahya Hassan évite cet écueil de façon magistrale d'une part grâce à la forme de son récit, à savoir la poésie en prose et, d'autre part, en portant critique d'une crudité assumée sur ses entraves communautaires : Islam, aide sociale, environnement urbain...

Ce livre n'est pas un "témoignage". C'est une tentative jusqu'au-boutiste de s'extirper de la fange. C'est un cri pour vivre, pour survivre.

En ce sens, et de façon inattendue, Yahya Hassan entre en résonance avec deux autres livres qui n'ont pourtant, a priori, rien à voir.

Tombé hors du temps de David Grossman est un livre de poésie (en prose, tiens donc...) sur la perte et le deuil. Sur le "vivre malgré et contre tout".

Ceux de 14 de Maurice Genevoix traite quant à lui de la pression du groupe et de la fatalité (et de la boue, collante, dont on ne se défait pas, tiens donc...).

Yahya Hassan est mort, à 25 ans. Son livre porte son cri et son nom. En ce sens, il a vécu. Il est vivant.