Clor, album homonyme : Les albums à ne pas écouter en baisant sous peine de rendre sa partenaire épileptique.
Clor a une pochette ignoble, certainement l'une des plus moches de l'histoire des disques. Le directeur artistique responsable de cette horreur devait avoir des aspirations d'artiste contemporain, ou alors une cécité fulgurante l'a touché lors de la conception de cette illustration.
Oui moche, ça c'est le moins que l'on puisse dire. Une pochette qui a la couleur de la toile cirée ornant la table de jardin de ma grand'tante, le goût est des plus douteux. Forcement, quand on sait l'importance que possède une pochette dans un album, Clor avait très peu de chance d'être un bon groupe. Oui, la pochette, la grande oubliée à l'âge du MP3, la pochette qui a toujours été un gage de qualité, le premier contact de l'homme avec l'oeuvre.
Tous les grands disques ont des pochettes passionnantes. Exception mise à l'écart (telle que l'affreux dessin de Zuma ou le pauvre tableau de Oh merci), c'est bien avec l'avant d'un album que le voyage commence. Combien d'heures peut on passer à rêver devant tous les visages de Sergent Pepper, jusqu'à quel point la pomme blanche de Get Behind Me Satan nous connecte-t-elle avec tout le mystique du blues, puis la révolution des couleurs de Nevermind the Bollocks... ce n'est pas la construction de l'identité Punk?
Enfin bref, Clor partait très mal avec cette pochette. Mais c'était encore une erreur... cette pochette annonce elle aussi quelque chose.
Alors Clor, le groupe qui dès les premières notes sonne comme une émanation des années 80. On y reconnaît très rapidement les Beastie Boys, puis on découvre the Cure, Soft Cell, Smashing Pumking... jusque la "french touch" et donc Daft Punk et Air.
French Touch par des anglais quoi, avec tout ce que cela inclut de folie et d'auto dérision. Alors c'est très dansant bien sûr, comme la plupart des nouveautés depuis Franz Ferdinand. Du dansant fait pour une génération qui veut retrouver les sonorités de son enfance: les rythmes New Wave, les nappes sonores des années 90... la culture de tout 25-30 ans.
C'est ça, le petit déhanchement gêné et le romantisme noir. Romantisme donc, car on est tous un peu triste, c'est le minimum de décence vitale. Oui, a une époque où l'on fait la guerre aux états les plus pauvres du monde, à l'époque où des gens vivent avec 230€ par mois, être triste c'est le seul moyen qui nous reste pour ne pas paraître des monstres.
Clor est triste dans sa chansonnette "Gifted", puis il balance de grosses guitares dans sa chanson d'après... Et le tout reste cohérent, on n'y croit d'une note à l'autre.
Si un telle mélange marche, c'est pour une raison bien précise : ce groupe est complètement Robotique. Cette musique aurait pu être composée par l'ordinateur de bord de "2001 'odyssée de l'espace". Une sensibilité qui se découvre, une culpabilité avouée. "Je vous tue mais vous savez, j'ai mes raisons". Oui voilà, sa c'est ce que l'on ressent dans la chanson "Dangerzone". Puis le robot se prend pour le "Sex Machine" en personne... James Brown... le groove... mais sans les astuces rythmiques qui lui sont indispensables. "Magic Touch", c'est comme cela que Clor a défini ce procédé. Une envie irrésistible de danser, de s'approprier la musique alors qu'elle vous menace. C'est dingue, c'est ce que le rock a toujours fait : attirer les gens tout en les menaçant.
Le Robot est devenu plus intelligent que le bohémien. Ca c'est un mal d'époque. A force d'encourager la déshumanisation, les artistes ont fini par mettre leur sensibilité au placard, à la planquer pour mieux l'exposer.
Clor est un cas intéressant, un groupe à sortir des essais sur le rock en 2006. Oui, voila, l'éthique, toujours elle, si présente dans mon esprit de jeune passionné... l'éthique est remise en cause durant tout cet album.
Du coup, cet album est génial. Dire que c'est moi qui dit cela, moi qui déteste les années 80, qui vomit ce genre de sonorité, qui remercie Dieu de m'avoir fait naître à la fin de ce truc. Oui mais cet album Clor... il est passionnant.
C'est peu être cela que les romantiques ont appelé le "sublime", l'esthétique du moche. |