Techniquement, Le pas de la Manu est une bande dessinée. En tout cas, c’est un livre avec beaucoup d’images qui racontent une histoire. Mais au-delà du support (on y reviendra), Le pas de la Manu est aussi un livre social. Un livre sur l’histoire de la Manufacture d’Armes de Saint-Etienne, mais surtout de ses ouvriers, et encore plus une histoire de la société de cette époque révolue où l’industrie française vivait ses derniers beaux jours avant une nouvelle révolution à côté de laquelle elle est passée (machine numérique, mondialisation…).
L’histoire ne date pas réellement les évènements d’ailleurs, on imagine les années 70 mais qu’importe, ce qui est raconté est bien plus universel que cela.
Le pas de la Manu raconte donc l’histoire de quelques ouvriers de la Manufacture à un moment charnière de la vie de ce fleuron de l’industrie de précision française. Mais au-delà de la grande histoire, on se penche surtout sur la vie de chacun de ces ouvriers, leurs préoccupations, les mutations de leur travail et bien sûr ce qui faisait la particularité de la Manu et le fil rouge de l’histoire : la perruque.
Rien à voir avec la coiffure cependant, la perruque c’est l’art de fabriquer des objets personnels pendant ses heures de travail quand on n’a fait tout le boulot de la journée et qu’il nous reste du temps. Évidemment, on pioche aussi un peu dans le matériel et les matériaux de l’entreprise. C’est toléré, même s’il ne vaut mieux pas se faire prendre quand on exfiltre ses bricolages de l’usine.
Je vous laisserai découvrir tous les détails dans la BD bien entendu, que ce soit la nature de ces perruques (jusqu’au dénouement final), les personnages, les ambiances (on reconnaît sans peine Saint-Etienne) et les quelques expressions typiquement stéphanoises glissées dans les rares dialogues du livre (cela passe beaucoup par l’image) mais sachez que l’histoire se dévore et est à la fois source d’informations (culturelles et sociales), d’émotions mais aussi un régal pour les yeux.
En effet, ce livre est un bel ouvrage de A à Z et chaque planche est issue d’un monotype sur zinc ce qui rend les images uniques en leur genre et peu communes dans une bande dessinée.
Ajoutons que Baptiste Deyrail est un garçon du cru, qui a fait ses études de beaux-arts sur le site même de l’ancienne Manufacture d’Armes devenue aujourd”hui "la Cité du design" et qu’il a entendu toute son enfance ces histoires d’ouvrier de la "Manu". Tous ces éléments bout à bout ont été bien entendu le déclencheur de ce récit et on se prend à rêver que Saint-Etienne l’inspire encore pour sa prochaine histoire, que l’on soit stéphanois ou non, il a retranscrit une ambiance remarquable à travers ce récit et on a envie que cela continue !
Au fait le pas de la Manu, c’est quoi ? Vous le saurez en lisant le livre bien entendu… (spoiler alert : ça a un rapport avec la mécanique de précision évidemment !) |