Comédie-ballet de Molière, mise en scène de Michel Fau, avec Alka Balbir, Armel Cazedepats, Michel Fau, Philippe Girard, Florent Hu, Anne-Guersande Ledoux, Nathalie Savary et les chanteurs Cécile Achille (ou Caroline Arnaud), Juliette Perret (ou Virginie Thomas), David Ghilardi (ou François-Olivier Jean), Virgile Ancely (ou David Witczak ou Cyril Costanzo) accompagnés par les musiciens de l'Ensemble Marguerite Louise.
Ordonnée autour du thème classique du mariage arrangé qui tourne fort naturellement à la déconfiture de l'époux barbon, farce et pastorale, comédie de moeurs et satire sociale, "George Dandin ou le Mari confondu" de Molière ressort à l'opus apologique.
Ainsi tacle-t-il sinon la vanité du moins la prétention de ceux qui tentent de défier l'ordre social ainsi résumée dès la première réplique du personnage-titre : "mon mariage est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition".
Paysan industrieux parvenu à la fortune, George Dandin achète certes femme et titre ronflant à des hobereaux désargentés mais certes pas la considération de ces derniers, obséquieux qui pratiquent avec force l'humiliation de classe, ni la gratitude de l'épousée, au fait de la stratégie galante qui se rit de la tyrannie maritale. Pour la mise en scène de cet opus composite qui pratique le mélange des genres, Michel Fau indique dans sa note d'intention avoir opté pour "la mise en abime de cette farce à la fois douloureuse, burlesque et obsessionnelle avec le choix assumé d'une esthétique baroque et cauchemardesque". Et il combine avec délectation - et succès - comédie noire et bouffonnerie en retenant la version originale de la comédie-ballet avec ses intermèdes interprétés par des chanteurs lyriques sur la musique de Lully dispensée par l'Ensemble Marguerite Louise placé sous la direction de Gaétan Jarry.
Emmanuel Charles a conçu un décor champêtre de carton pâte-cartoon, dont les lumières de Joël Fabing soulignent l'inquiétante étrangeté, avec un édifice central qui représente la demeure du Dandin devenu de la Dandinière.
Une frustre maison sylvestre supporte l'étage ostensible du parvenu orné d'un dôme évoquant un reliquaire gothique dans lequel apparaît la vraie fausse vertueuse épouse Angélique telle une madone en tenue d'infante revisitée par Christian Lacroix signataire des somptueux costumes.
Des costumes d'époque revisités par les tropismes du couturier qui tiennent à son goût pour la customisation du costume curial, l'esthétique au chromatisme flamboyant et le patchwork de tissus chamarrés, broderies et de passementeries.
A la mise en scène, Michel Fau use de différents registres selon la typologie des caractères pour constituer un jubilatoire kaléidoscope teinté de baroquisme avec un sur-jeu de rigueur, et de surcroît anti-naturaliste, qui procède à l'exagération des effets dramatiques, et plus précisément en l'espèce du rire.
Ainsi, la truculence commedia dell'arte avec l'émissaire gaffeur (Florent Hu), la vitupérance militante pour la servante proto-féministe (Nathalie Savary), les codes du soap opera pour les amants (Armel Cazedepats et Alka Balbir).
Pour la belle-famille confite dans la vénération de la caste, celles bien nommées de Sottenville et de la Prudoterie, la caricature dans le registre du grotesque s'impose avec Philippe Girard en matamore sur le retour et Anne-Guersande Ledoux en hurlante virago, tous deux époustouflants.
Egalement au jeu, Michel Fau, impérial, apporte son art de la déclamation et du contrepoint au principal protagoniste, bonhomme aussi douloureux que pathétique à l'entêtement masochiste et quasi-victimaire, enferré dans sa tentative de répudiation, qui offre un bel éventail dramaturgique.
Un spectacle atypique, exubérant et divertissant qui emporte l'adhésion du public.
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