Comédie dramatique d'Elisabeth Bouchaud, mis en scène de Marie Steen, avec Clémentine Lebocey, Roxane Driay et Benoit Di Marco.
Dans "Exil intérieur", son premier texte consacré à des savantes flouées de leurs découvertes porté à la scène, Elisabeth Bouchaud racontait comment Lise Meitner, physicienne allemande qui avait découvert le principe de la fission nucléaire, avait été écartée du prix Nobel par Otto Hahn en 1944.
Trente plus tard, c'est au tour de Jocelyn Bell, astrophysicienne anglaise de se voir priver de la suprême récompense pour la découverte des pulsars par Anthony Hewish, son directeur de thèse à Cambridge. "Prix No'Bell" retrace cette histoire et constitue le deuxième épisode de la série commencée avec "Exil intérieur".
Ce qui frappe d'emblée, c'est que trente ans après l'injustice faite à Lise Meitner, le comité Nobel puisse encore en commettre d'autres. Pourtant, a priori, Jocelyn Bell n'est pas dans la situation désespérée de la physicienne. Elle n'est pas persécutée racialement ni contrainte à l'exil.
Certes, cette jeune femme de la gentry irlandaise se sent un peu perdue à Cambridge, s'estimant illégitime car diplômée à Glasgow. De plus, mariée un temps avec un certain Martin Burnell, elle a eu un enfant et doit, pour l'élever, se contenter d'un temps partiel.
Dans la pièce, sa meilleure amie, Janet Smith (Roxanne Driay), s'insurge aussitôt quand elles apprennent qu'Anthony Hewish (Benoît Di Marco) a eu seul le Nobel. Jocelyn (Clémentine Lebocey), elle, est dans le déni : elle est heureuse qu'enfin ce soit un astrophysicien qui pour la première fois atteigne le Graal scientifique.
On le verra dans cette pièce, aussi passionnante que la première, qu'elle mettra de nombreuses années pour admettre la réalité de l'infamie du professeur qu'elle admirait jeune étudiante.Sans doute le fait qu'elle fut encore étudiante lors de sa découverte, a permis à Hewish de rédiger sans la mentionner.
Toujours avec la même équipe gagnante, Marie Steen à la mise en scène, Luca Antonucci pour les décors amovibles, Philippe Sazerat aux lumières, Guillaume Junot pour un travail vidéo, particulièrement dédié ici aux nuées astrales, et Annie Germanique pour la musique originale, Elisabeth Bouchaud poursuit son entreprise salutaire. Mais pas seulement. On y puisera, si on a une culture scientifique lacunaire, l'envie d'y remédier...
On pourra s'interroger comme l'amie de Jocelyn dans "Prix No'Bell" des raisons qui font que les femmes soient moins attachées aux honneurs et noter la belle réponse de celle-ci : "Les femmes aiment mener des batailles, pas écraser leurs ennemis".
On n'oubliera pas la belle prestation de Clémentine Lebocey, qu'on voit d'abord en jeune femme à la fois vivant pour la science mais pas encore sûre d'elle-même, puis devenant une savante affirmée et pleine de sagesse.
Quant à la suite, il faudra avoir la patience d'attendre la fin de l'année à venir pour qu'on puisse voir se matérialiser le troisième épisode. |