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puce Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême #50 (édition 2023) - Le OFF : Taléonne et Sébastien G.
Interview  (Angoulême)  26 au 29 janvier 2023

A un festival de bande dessinée, il y a des stands d’éditeurs, avec des piles d’albums et des auteurs qui dédicacent leurs dernières parutions. Et il y a des auteurs qui ont bel et bien écrit une bande dessinée, mais qui n’ont rien à dédicacer, parce que leur travail est uniquement lisible en webtoon, ce format de BD numérique prévu pour la consultation sur mobile. Et quand la plateforme de consultation disparaît, se pose la question de ce que devient l’œuvre...

C’est un peu l’histoire de Taléonne et Sébastien G. A eux deux, ils ont réalisé deux BD numériques, elle au dessin, lui au scénario. La première, Chuch, qui signifie "maman" dans le dialecte maya, retrace une histoire romancée mais minutieusement documentée de la mère biologique de Taléonne, née en 1995 au Guatemala et adoptée en France. On suit les pas de Nicte', une jeune domestique de 19 ans appartenant à une minorité amérindienne réprimée par le pouvoir guatémaltèque, qui tombe enceinte dans un contexte de guerre civile. La BD est résolument féministe et se base sur un minutieux travail de recherches sur la condition des femmes dans le Guatemala des années 1990.

La seconde, ¿Dónde Está? ("Où es-tu ?") raconte l'histoire de Lupita, Dolores et Rafael, une jeune famille qui traverse une longue épreuve lorsque la guerre civile éclate à la fin des années 70 au Guatemala. Le coup d'État marque le début de leur périple à travers un pays en proie aux combats. Les auteurs explorent les thèmes de la guerre, des assassinats politiques et du rapt d'enfant.

Les deux histoires ont été publiées sur la plateforme en ligne Bayday. Fondée en 2019, cette start-up parisienne avait une très belle idée : rémunérer les auteurs à hauteur de 70% par vente (un chapitre sur la plateforme coûtant 1 euro aux lecteurs), là où un contrat dans une maison d’édition traditionnelle permet généralement aux auteurs de toucher 8% des ventes. Hélas, la société a été mise en liquidation judiciaire à l’été 2021 : adieu veaux, vaches, cochons, couvées…

Les deux jeunes auteurs s’avouent-ils vaincus pour autant ? Que nenni ! On ne lâche pas pour autant un projet aussi riche de sens.

Comment votre travail a-t-il été reçu, quand il est paru en webtoon ?

Sébastien G. : On a été la plus grosse vente de la plateforme Bayday. Quand on a été invités à Angoulême, on a eu 150 personnes en signature. Ça nous a permis de voir que notre travail intéressait alors qu’on n’en était encore qu’à deux chapitres sur une douzaine. On a eu notamment beaucoup de contacts de profs. La BD s’est très bien vendue au Guatemala, elle y circule beaucoup en pirate et elle a gagné le prix du meilleur album des Alliances Françaises, où elle est étudiée.

Et aujourd’hui, que deviennent ces histoires maintenant que l’on ne peut plus les lire sur la plateforme ?

Taléonne : J’ai ouvert ma boutique et galerie Ko-fi. On y trouve l’intégrale de Chuch, la première BD numérique version webtoon d’origine, ainsi que les premiers chapitres et storyboards de ¿Dónde Está?, les deux premiers qui sont sortis et le troisième qui est inédit. Nous travaillons à l’adaptation de Chuch et ¿Dónde Está? en version papier, c’est notre priorité du moment.

Sébastien G. : Pour Chuch, j’ai changé pas mal d’éléments du scénario pour la version papier, j’ai essayé d’enlever des ambigüités, notamment sur l’absence de consentement au début.

Taléonne : A la base mon projet était de faire un one-shot, mais plus on fourrait notre nez dans l’histoire du Guatemala, plus on tombait sur des choses dont on avait envie de parler. C’est là qu’on s’est dit : pourquoi ne pas aller plus loin, il y a tellement de choses à raconter que ce projet sur le Guatemala a besoin de beaucoup plus de place.

Sébastien G. : Aujourd’hui on conçoit vraiment ce travail comme une trilogie, trois livres qui se déploient dans le même univers. A la fin de Chuch on voit des affiches de personnes disparues qui sont celles de ¿Dónde Está?. Dans ¿Dónde Está?, je voulais juste parler des disparitions, pas du génocide. Le troisième album sera une synthèse plus réaliste, ce ne sera plus de la fiction.

Et donc vous êtes allés au Guatemala dans le cadre de ce projet ?

Sébastien G. : A la base, on devait y aller pour faire une BD-reportage avec des entretiens sur la guerre, mais notre éditeur a mis la clé sous la porte. Dans le même temps, nous avons découvert qu’un reporter avait fait précisément cela dans un livre intitulé La vérité sous la terre.

Taléonne : A ce moment-là, je commençais déjà à réfléchir à une version papier de l’album et je me disais que ce serait bien que je retourne au Guatemala. Je n’y étais allée qu’une fois quand j’avais 8 ans, et j’éprouvais le besoin d’absorber tout ce qui concernait le mode de vie de mon peuple, les Mayas. Pour moi, le plus important était vraiment de voir comment vivaient vraiment les gens, de m’imprégner du pays pour être de plus en plus juste. On a une vision de tout ça qui est quand même très francisée, et sur place on a pris une bonne paire de claques.

On voulait faire un reportage illustratif. D’ailleurs dans l’exposition "Les femmes du pays des volcans" qui est encore visible chez Lavrut jusqu’au 25 février, une bonne moitié des illustrations vient du voyage.

Sébastien G. : On a donné deux conférences aux étudiants des Alliances Françaises d’Amérique Centrale pour parler de notre travail, ça a amené des échanges très intéressants. Il n’y a pas de bande dessinée au Guatemala, on n’y trouve que de la BD mexicaine, très différente du style roman graphique en noir et blanc avec lequel on est arrivés. Les gens nous ont dit que l’histoire de Chuch abordait des sujets qui les touchaient tous, toutes classes sociales confondues, mais dont personne ne parlait. Ça a fait qu’ils en ont parlé entre eux, avec leur famille. On en est arrivés à parler d’IVG, des conséquences de l’interdiction de l’avortement, de la place des hommes, du machisme… On a pu le faire parce que l’on est étrangers.

Pourquoi avoir choisi de parler des femmes ?

Taléonne : Tout est parti de l’envie de raconter l’histoire de ma mère de naissance avec les détails du dossier d’adoption que j’avais à ce moment-là. Comme je parlais de ce que j’imaginais de son histoire, j’ai naturellement eu envie de parler des conditions de vie des femmes maya.

Sébastien G. : Je n’ai jamais écrit que des personnages féminins. Notre travail est assez politique et la place de la femme est très particulière, notamment dans un pays aussi pauvre que le Guatemala. On a rencontré la présidente de la fondation Racines Perdues qui lutte contre le trafic d’enfants pour l’adoption internationale. Il s’est avéré que le dossier de Taléonne n’était pas aussi clean qu’on le pensait. L’association américaine par laquelle elle a été adoptée a fermé sur ordre du département d’Etat américain.

Taléonne voulait aller visiter sa ville de naissance. On a fini par apprendre que le nom qui avait été donné au dossier ne correspondait à personne ayant vécu là-bas. Plus ça va, et moins Chuch est basé sur des faits réels... Taléonne a lancé des recherches sur son dossier. On est autour de 98% d’enfants issus de l’adoption illégale. Le gouvernement français a lancé une enquête sur le sujet de la traite d’enfants. L’ONU a fait passer une résolution qui déclare l’adoption illégale crime contre l’humanité.

Taléonne, comment définirais-tu ton style graphique ?

Taléonne : Entre manga et semi-réaliste. En tout cas, je trouve qu’il arrive à montrer des émotions des personnages. C’est ce que j’ai voulu exprimer en priorité, avec le contexte historique et même contemporain. C’est pour cela que j’ai fait le choix du noir et blanc alors même qu’au Guatemala il y a énormément de couleurs.

Sébastien G. : L’inconvénient de mettre de la couleur partout, c’est que l’on peut se retrouver à penser : "OK, c’est horrible mais ça va, c’est dans un pays mignon". Taléonne a un dessin très instinctif, sa force c’est qu’elle travaille très rapidement. En webtoon on faisait 20 planches par semaine ! C’est un travail très organique, émotif. Le fait qu’elle ne fasse quasiment pas de crayonné lui évite de passer tellement de temps sur le dessin que l’on perde le message. On se retrouve avec un dessin qui ne transmet que les émotions. Fanny, notre assistante, nous a permis de monter sérieusement en gamme sur le dessin. Elle a un dessin qui est de plus en plus réaliste, ce qui permet à Taléonne de lâcher de plus en plus la bride à son instinct.

Est-ce que vous reviendrez au format webtoon ?

Taléonne : Je pourrais me remettre dans cette narration, mais pas sur un sujet comme celui-ci.

Sébastien G. : Je milite pour qu’il y ait un prix de webtoon à Angoulême. J’ai beaucoup aimé cette expérience, même si sur Chuch la gestion du temps était très compliquée, comme l’éditeur venait d’ouvrir, et qu’il y a eu pas mal de loupés. Et ça s’est fait en plein confinement. C’est beaucoup mieux d’avoir toujours de l’avance comme on a pu le faire pour ¿Dónde Está?.

Qu’est-ce qui vous occupe en ce moment ?

Sébastien G. : Sur Ko-fi Taléonne propose régulièrement des dessins, sur le Guatemala mais aussi sur la Révolution française, qui est son autre grand sujet. Il y a des actualités, des œuvres en vente… Le but, c’est que les gens puissent nous soutenir pour que l’on réussisse à travailler dans la durée.

L’exposition en cours a attiré pas mal de monde, notamment Ersilia Soudais, députée NUPES de la 7e circonscription de Seine-et-Marne parce que le sujet des droits des femmes et du Guatemala l’a interpellée. On a travaillé avec elle depuis sur ces sujets, et e génocide au Guatemala a commencé à être discuté à l'Assemblée Nationale suite à cela.

Actuellement, nous travaillons sur 3 bouquins dont une adaptation. Pour l’instant, c’est un secret mais vous en saurez bientôt davantage !

 

En savoir plus :
Le site officiel du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême
Le Facebook du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême

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Le site officiel de Taléonne
L'Instagram de Taléonne
Le Facebook de Taléonne


Anaïs Bon         
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