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Interview  (Le Pax, Saint-Etienne)  jeudi 5 janvier 2023

C’est alors qu’elle est en résidence au Pax de Saint-Etienne que Camille nous accordé une interview.

Je tiens à la remercier chaleureusement d’avoir pris le temps de me recevoir alors qu’elle est en pleine mise en place de son spectacle à venir et qu’elle s’apprête à nous présenter son nouvel album.

J’ai eu le plaisir de rencontrer une artiste souriante et pétillante. Je te laisse maintenant faire plus ample connaissance.

Peux-tu te présenter à nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?

Camille Laïly : Je m’appelle Camille Laïly, et je fais de la chanson poétique avec de la folk et du jazz dedans ! Je suis sur le point de sortir, le 24 février, un nouvel album qui s’appelle Crépuscule, chez Inouïe Distribution, que j’ai enregistré avec Hugo Corbin, le guitariste et Nicolas Fleury, contrebassiste.

On va faire connaissance rapidement : si tu avais le pouvoir de faire revenir un artiste décédé, ça serait qui et pourquoi ?

Camille Laïly : J’ai le droit d’en dire plusieurs ? (rires) Il y en a beaucoup : Chopin, parce que les Nocturnes ont été ma première écoute musicale non-stop pendant plusieurs heures, jours, voire semaines ; Ella Fitzgerald et Barbara pour la voix ; et Nougaro évidemment, que je n’ai jamais pu voir en concert.

Qui est ta chanteuse ou ton chanteur fétiche ?

Camille Laïly : C’est dur de n’en choisir qu’un… (rires) En voix de femme, j’aime beaucoup Youn Sun Nah, c’est une chanteuse de jazz qui mélange les styles, elle a repris par exemple Hurt de Johnny Cash ou la Chanson d'Hélène. Et mes chanteurs groupies, c'est Patrick Watson et Kings of Convenience, qui ont des super voix folk.

Tu rêves peut-être de jouer avec une ou un artiste, si oui avec qui ?

Camille Laïly : La bande de Debout sur le Zinc ! C’était le groupe fétiche de mes 18-19 ans, j’adore leur textes et leurs arrangements musicaux, avec plein d’instruments d’Europe de l’Est, plusieurs voix, etc.

NDLR : si vous nous lisez, vous savez qui contacter pour une future collaboration.

Comment se passe la composition, est-ce toi qui écris tout ?

Camille Laïly : Oui. Souvent, il y a d’abord une sorte de concentré de la chanson à venir qui arrive tout seul : en gros deux phrases, paroles et musique, qui arrivent en même temps et vont donner le cœur de la chanson. C’est souvent le refrain, ou la première phrase du couplet par exemple, et ça donne la couleur de tout ce qui suit : ensuite, c’est comme si je déroulais un fil pour arriver au bout de la chanson. Il y a quelques moments où je pars d'un texte ou d'une musique seuls, mais la plupart du temps il y a toujours ce nœud central pour commencer.

Nous sommes à Saint-Etienne, tu es en résidence au Pax, peux-tu nous en dire un petit plus sur ce qui se prépare ?

Camille Laïly : Résidence ça peut vouloir dire plein de choses : ici en l’occurrence, ce sont des résidences de scène. On prépare le spectacle de la tournée pour l’album Crépuscule qui sort en février ! On a plein de concerts pour la sortie dont un à Saint-Etienne, au Pax, le 2 mars, et c’est celui-là qu’on prépare ici avec les garçons, après notre autre résidence au Forum Léo Ferré en octobre pour la version longue du spectacle. On bosse l’ordre des chansons, l’évolution scénique, la lumière…

Tout se met en place en résidence ?

Camille Laïly : On ne fige pas tout, il y a toujours des libertés, mais par exemple, il y a des chansons qui s'enchaînent très bien les unes après les autres et ce serait dommage de passer à côté. On varie aussi les formats : par exemple pour les festivals où la durée d’un set est à 50 minutes, on ne va pas jouer autant de chansons. L’idée c’est de construire le meilleur concert possible, celui qui va le plus emmener les gens en voyage. C’est d’ailleurs le thème de l’album, un voyage à la tombée du jour, et les émotions, les réponses possibles à cette peur antique qu’on a de la nuit, de la fin.

J’ai noté un titre en anglais ("A Robin’s Tale") ?

Camille Laïly : Quand j’ai commencé à écrire, j’écrivais à la fois en français et en anglais, puis j’ai choisi le français pour que les gens écoutent les textes.

Dans mes deux premiers albums de 2015 et 2017 sous le nom Les Lueurs de Lily, je cherchais un peu mon style. J’ai pris mon vrai nom Camille Laïly pour l’album à venir, pour marquer le fait que maintenant, le style est bien ancré : et paradoxalement, le fait d’avoir trouvé fait qu’on peut se permettre beaucoup plus de choses ! J’ai osé faire une chanson sans notes, un poème déclamé, ce que je n’avais fait avant et qui me terrifiait (les notes c’est très bien pour se cacher derrière… (rires)).

Il y avait cette chanson en anglais, un hommage à un roman qui m’a suivi pendant des années, L’Assassin Royal de Robin Hobb. J’avais vraiment envie d’intégrer à l’album, elle collait totalement à son ambiance, et on s’est dit que c’était dommage de se l’interdire juste pour une histoire de langue ! On a d’ailleurs aussi une chanson sans paroles, où la voix est juste instrumentale, ce qui n’est pas évident en chanson.

Tu dis que tu te caches derrière les notes, mais chanter en français c’est aussi s’exposer ?

Camille Laïly : C’est vrai, on est un peu plus à nu, mais la poésie et les mots sont vraiment importants pour moi. Je n’écris pas juste quelques mots histoire de remplir la musique, les deux sont d’importance égale et l’un ne va pas sans l’autre.

Comment se sent-on la veille d’une sortie de single (sortie le 6 janvier) et d’un album, le 24 février c’est "après" demain ?

Camille Laïly : J’ai très-très-très hâte ! C’est tellement de temps, de boulot, d’anxiété, de joie et de compromis… Il y a deux ans de vie dans cet album. Je n’ai qu’une seule envie, c’est qu’il arrive enfin entre les mains et les oreilles des gens. Il y a eu un single qui est sorti le 9 décembre, "Libre" et un autre demain, "La rose et l’olivier". Les retours commencent à arriver, et c’est génial.

Est-ce que tu peux nous parler des artistes qui ont collaboré sur cet album ?

Camille Laïly : Comme tu as pu le constater, je viens de mondes un peu différents ; inviter ces artistes c’est une manière pour moi de les faire se rencontrer.

Côté chanson il y a trois supers interprètes : Anne-Lise Roche que j’ai rencontrée en concert, puis on a fait des co-plateaux ensemble. On est devenues copines en à peu près 4 secondes et demi ! Elle chante sur le titre "Avant l’orage", où il y aussi Marie Cheyenne. Elle, c’est un croisement entre Brassens, un clown et un indien Sioux (rires), elle écrit très très bien aussi. Et enfin, toujours sur "Avant l’orage", Thibaut Defever qui est un très bel auteur (et il joue de la guitare comme un dieu en plus). C’est vraiment trois très belles rencontres parmi celles que j’ai faites dans le milieu de la chanson, pendant ces deux ans de préparation. Ce titre "Avant l’orage", c’est une sorte chant choral, d’hymne à la vie, pour dire qu’il faut la croquer à pleines dents. Je suis très heureuse d’avoir eu leur voix sur cette chanson !

Il y a aussi des artistes du monde du jazz, que j’ai rencontrés grâce à mes études au CMDL (Centre des Musiques Didier Lockwood). Il y a Ananda Brandao, une percussionniste incroyable, qui met des couleurs et des sons assez inhabituels sur plusieurs chansons, avec notamment un bombo, un gros tambour bolivien. Il y a Alba Obert, qui joue du violon sur deux chansons arrangées avec quatuor à cordes.

Le classique m'inspire beaucoup, on l’a dit tout à l’heure, et on retrouve aussi souvent dans la folk cet accompagnement à la guitare avec des cordes par dessus. C’est un mélange qui me faisait rêver depuis très longtemps !

Enfin, il y a la super chanteuse de jazz Maë Defays (je n’arrête pas de dire super, mais c’est merveilleux d’avoir eu autant de musiciens plus talentueux les uns que les autres sur cet album !). Maë chante et crée une atmosphère sonore avec des vocalises sur la chanson la plus nocturne de l’album, Leïla - Lune, celle où je déclame le poème.

Peux-tu nous parler des musiciens qui t’accompagnent ?

Camille Laïly : Ce sont les mêmes qui m’accompagnent sur scène et en studio, c’est avec eux que j’ai enregistré l’album : Hugo Corbin et Nicolas Fleury. En ce moment, on prépare le spectacle en travaillant les chansons sur scène, mais en réalité elles y ont déjà vécu : on les a jouées sur scène en trio dès le début, au fur et à mesure qu’on créait les arrangements ensemble, et elles ont grandi avec le public au fil des mois.

Je fais aussi maintenant des concerts en solo, ce qui me tétanisait avant, parce que je ne suis pas guitariste. J’ai commencé la guitare pendant le Covid, quand j’étais coincée à l’étranger heureusement avec une guitare ! Ça m’a permis ensuite de faire des concerts en solo en ligne pendant les différents confinements, puis en "vrai".

C’est compliqué de trouver des dates ? Tu as un tourneur ?

Camille Laïly : Alors… (rires) Je veux un tourneur ! Pour l’instant, c’est moi qui fais tout. J’ai gagné le tremplin À Nos Chansons l’année dernière, ça m’a aidée en donnant de la visibilité et des contacts. Je suis aussi programmée au gros festival de chanson de Barjac cet été, j’espère que ça aidera pour les programmations ensuite, mais oui, je fais tout toute seule, et parfois j’aimerais bien faire un peu moins de gestion et un peu plus de musique !

La question peut paraître "banale" mais comment ça se passe pour toi, qui est une fille, dans le milieu artistique, où on a pu lire beaucoup de témoignages sur le comportement effarant (pour rester poli) des mecs ?

Camille Laïly : Il y a eu une évolution depuis que j’ai commencé, c'est sûr. Les mentalités évoluent ; par exemple, un musicien mec qui s’habille détente, en pantalon large et T-shirt, ça a toujours été normal, par contre une femme… Maintenant on peut s'habiller en jogging et sweat si on veut sans se prendre de remarque, ou beaucoup moins qu’avant. C’est tout bête, mais ça montre que ça bouge et ça fait plaisir ! Il y aussi énormément de rencontres, de rapprochement avec d’autres filles, ça fait des collectifs, des bandes super chouettes. Le dialogue s’ouvre, et je trouve ça merveilleux d’échanger avec toutes ces femmes qui mènent des projets incroyables.

Personnellement, je n’ai pas eu de problème grave de harcèlement, mais par contre je vois toujours chez moi et autour de moi une tendance à s’auto-rabaisser ou se mettre la pression, ce qui est épuisant et dangereux. On va vite penser qu’on a pas le niveau, qu’on n’est pas à sa place. Il y avait de ça dans le jazz, historiquement : la fille, on considérait que c’était forcément la chanteuse, là pour faire joli, avec un moins bon niveau musical. Ce n’était pas possible d’être batteuse, ou guitariste… Là aussi ça change, il y a de plus en plus de musiciennes, elles créent des groupes ensemble et ça déchire. Ça va dans le bon sens.

Tu parles de groupe de filles, d’artistes féminines, parle-nous de la scène lyonnaise ?

Camille Laïly : Je suis arrivée à Lyon il y a un an et j’ai été surprise par la richesse de la scène. Dans les filles que j’ai pu rencontrer, il y a Karine Daviet, qui est sur un label stéphanois, Le Cri du Charbon. Il y a aussi Chloé de Caïman, du même label. Anne-Lise Roche vient de la scène lyonnaise, comme Lily Luca ; on a pas mal échangé avec Lou Rivaille qui mène le groupe de jazz Elliavir… Il y a plein d’occasions qui se créent, beaucoup de dialogue.

Je suis du siècle dernier, où on échangeait des cassettes pour faire connaître des groupes. Quelle est ta position vis-à-vis des réseaux sociaux, plateformes, etc. ?

Camille Laïly : C’est obligatoire, ça c’est sûr. Mon rapport aux réseaux sociaux dépend un peu des jours ; quand je suis de bonne humeur, c’est merveilleux, parce que j’ai envie de partager plein choses et que je peux le faire grâce à eux. C’est aussi un formidable outil de contact en tant qu’artiste, pour discuter avec autres musiciens qui sont toujours en tournée ici ou là, échanger et se donner des conseils…

Et après il y a les mauvais jours, quand je suis fatiguée, que je n’ai pas envie de trier mes photos ou faire du graphisme et qu’il faut quand même le faire, tout le temps. C’est très chronophage et c’est ça qui pèse un peu parfois.

Et vis-à-vis des critiques qu’on peut y lire ?

Camille Laïly : J’ai constaté dernièrement que je prenais de plus en plus de recul. Je suis moins à fleur de peau, parce que j’ai accepté que tout le monde ne pouvait pas aimer ma musique, et que c'est normal. Ce que j’aime beaucoup, ce sont les commentaires qui disent que la musique est très originale et qu’ils adorent, parce que c’est souvent difficile pour trouver son public d’être entre plusieurs styles, chanson, folk, jazz… Quand on est au croisement de musiques "niches”" ça n’est pas évident, donc on apprécie d’autant plus les moments où on atteint les bonnes oreilles !

Quand on a trouvé son style, est-ce qu’on se met la pression ou est-ce qu’on y pense pour la suite ?

Camille Laïly : C’est un peu la même chose ; avant j’y pensais beaucoup, je trouvais que ce que j’écrivais partait trop dans tous les sens au niveau du style, et pourtant les gens me disaient : "Ben non, c’est toi en fait".

Pour cet album-là, c’était le lâcher-prise intégral là-dessus ! Je me suis retrouvée avec des chansons très chanson, des chansons jazz et d’autres folk, et je me suis dit : "On va tout mettre ensemble et ce sera très bien !". À partir du moment où je me dis que je fais du Camille Laïly, il n’y a plus de pression à se mettre !

Imaginons que ton ou ta meilleur(e) ami(e) parte sur une île déserte, quel album de ta discothèque lui donnerais-tu en souvenir de toi ?

Camille Laïly : Ouuuh ! (NDLR : ça fait ça à chaque fois !) Alors, ma meilleure amie, c’est ma cousine, Auriane, qui a d’ailleurs fait le graphisme de l’album et les illustrations d’un ancien album Bulle. On est devenues très proches à l’adolescence, quand on écoutait toutes les deux De Charybde en Scylla de Debout sur le Zinc, qu’on d’ailleurs allées voir plusieurs fois en concert. Je pense que ce serait cet album qui nous a beaucoup inspirées, elle en dessin et moi en musique.

Et maintenant le mot de la fin ?

Camille Laïly : Si je fais de la pub pour les concerts de sortie, ce n’est pas original (rires). Aïe aïe aïe, c’est le meilleur moyen de me perdre de me laisser carte blanche…

Ah ! Je vais dire un truc que j’ai complètement oublié de dire, c’est que l’album Crépuscule s’appelle comme ça parce qu’il est né de l’atmosphère un peu menaçante des dernières années, notamment au niveau écologique, dont je parle dans la chanson Boulevard des Capucines. Et ma recherche, celle de l’album, c’est comment on retrouve de la vie, de la lumière, même quand on a l’impression qu’autour tout s’écroule… Donc si je dois dire une chose pour terminer, c’est : Cherchons la lumière, même si c’est pas évident promis on va trouver !

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Crépuscule de Camille Laïly

En savoir plus :
Le site officiel de Camille Laïly
Le Bandcamp de Camille Laïly
Le Soundcloud de Camille Laïly
Le Facebook de Camille Laïly


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