Tragi-comédie écrite et mise en scène par Luc Mouret, avec en alternance Adeline Belloc, Amira Hadzic, Pierre Lemmel, Emma Debroise, Karine Bocobza, Nathalie Charade, Tom Bérenger, Xavier Kutalian, Emma Ceya et Lucas de La Loge.
A quelques pas d'aujourd'hui, dans un monde où le social a été privatisé et regroupé en une seule agence, la CAN (caisse d'allocation nationale), Dédale, cadre prête à péter les plombs, subit les doléances des "allocataires".
L'ambiance est bouillante et l'arrivée d'Hermès, un chauffeur" ubérisé" à fleur de peau et de respect, n'arrange rien. Et ce qui devait arriver arriva : deux coups de feu retentissent pour un drame qu'on suppose ultra-médiatisé et qui, surtout, engendre l'intervention d'une machine blanche qui pourrait ressembler à un gros radiateur électrique.
Elle s'appelle Minotaure et, intelligence artificielle oblige, va fouiller dans le passé de tous les protagonistes pour savoir ce qui s'est passé et pourquoi ça s'est passé.
Outre les précités, On en saura donc plus sur Cassandre, la militante écolo qui prend très à coeur quand la forêt brûle en emprisonnant des espèces en voie de disparition, Morphée, le chômeur qui ne dort plus et Gaïa, une mère divorcée radiée du fichier à cause du tréma sur le "i" de son prénom.
Luc Mouret n'a pas eu beaucoup à faire fonctionner son imagination pour décrire un futur tellement proche qu'il pourrait être déjà le présent. Smartphones, médias en continu, ordinateurs aux programmes qui excluent les têtes qui dépassent, tout est déjà là. Manque peut-être à sa mise en scène la présence, voire l'omniprésence, d'écrans vidéos pour que Big Brother soit partout matérialisé.
Chaque personnage est confronté à cet univers envahissant et en ressort pratiquement détruit. Rien n'y pourra faire. Qu'on prenne pour exemple la militante verte qui, sur un banc de parc, recevra l'étrange visite d'un grand singe. Ce fugace moment de poésie n'aura hélas pas de lendemain.
Bien entendu, la crise climatique est au centre des enjeux pour un capitalisme qui n'accepte pas de changer ou de décroître et n'a pour unique solution que la rationalisation comptable et brutale, celle qui laisse beaucoup de monde sur le carreau social.
Luc Mouret reste au niveau du constat et la solution finale qu'il propose est trop belle pour qu'elle puisse se réaliser. Ses comédiens savent glisser un peu d'humour dans une histoire qui pourrait se contenter de radoter des idées noires. Ils réussissent à ne pas être de simples caricatures et portent avec conviction le poids souvent lourd de leurs personnages.
Le spectateur doit être sans crainte : "Système d'exploitation" n'est pas un pensum militant. On y réfléchit sans s'ennuyer et l'on prend finalement un peu de plaisir masochiste à suivre sur scène des gens qu'on peut côtoyer dans la vie réelle face à un Hercule Poirot électronique. |