Comédie dramatique de Matei Visniec, mise en scène par Aurélia Aubert, avec Marceau Assomou, Aurélia Aubert, Dominique Bailly, Thierry Caillibot, Agnès Costea, Gilles Godet, Alexandre Guais, Blanchard Tubind et Lotfi Zarouel.
Pour traiter de la question des immigrés clandestins, ceux qui s'invitent d'eux-mêmes dans des pays qui n'en veulent pas pour des raisons de moins en moins avouables, mais de plus en plus avoués (le racisme, la peur de l'autre), Matei Visniec, auteur franco-roumain a mis quatre "a" au coeur du mot "migrant".
Si l'on est très averti sur la question, on risque d'avoir pou réflexe premier de trouver que la forme choisie par l'auteur n'est pas très intéressante et qu'il répète ce qu'on lit tous les jours dans les journaux ou voit dans les journaux télévisuels.
Ce qu'on oublie alors, c'est qu'une très grande partie des spectateurs ou des téléspectateurs ferment les yeux sur la question, ne prend guère position au point qu'on pourrait les croire indifférents, aveugles ou amnésiques.
La pièce "Migraaants", qui décrit méticuleusement le chemin à parcourir, certains diraient le chemin de croix à emprunter, pour arriver aux portes de l'Italie et du port sicilien de Lampedusa ou pour traverser la Manche et amerrir sur la côte anglaise, sera donc pour ceux qui accepteront cette fois de la voir un vrai choc.
Chaque moment de l'"itinéraire/calvaire" du migrant est décrit. Après l'avoir vu, personne ne pourra dire qu'il ne savait pas. Il ne pourra non plus oublier dans l'avenir les images reconstituées sur scène par Aurélie Aubert en saynètes parfois très brèves et toujours signifiantes.
Tout au long du spectacle, elle a privilégié l'efficacité et elle n'hésite jamais à montrer les discussions feutrées des uns et des autres sur la question de l'immigration. Quand parle un président de la république qui dit à ses proches conseillers avec le cynisme d'époque qu'il ne fera pas ce qu'il a promis de faire, cela peut paraître schématique et peu subtil, mais il s'agit de montrer l'attitude hypocrite des puissants et de souligner combien il ne faut pas se fier à des discours uniquement produits pour gagner du temps.
Aurelia Aubert a choisi un dispositif très simple, lié aux dimensions du lieu : les acteurs jouent devant un écran vidéo en lien avec ce qu'ils jouent. Ainsi on aura en fond d'écran une mer hostile ou une plage déserte et l'on sera, sans commentateurs inutiles, en position de comprendre les difficultés encourues par les "concurrents" à entrer dans un hypothétique "monde meilleur", qu'ici, bien au contraire, personne ne s'attache à décrire.
Ils sont ainsi neuf sur scène, conscients qu'ils ne sont pas là pour rien. Leurs expériences diverses leur servent, on s'en doute, à s'immuniser contre les fausses promesses dont ils sont les habituels victimes.
Bravo à cette belle distribution qui est totalement convaincue de la position humaniste qu'elle défend et qui la défend si bien : Marceau Assomou, Aurélia Aubert, Dominique Bailly, Thierry Caillibot, Agnès Costea, Gilles Godet, Alexandre Guais, Blanchard Tubind et Lotfi Zarouel.
Cette représentation était la première de leur spectacle. On souhaite qu'elle soit le début d'une longue aventure. Comme on les sait opiniâtres, on les sait déterminés à affronter les avis comme les vents contraires afin que plus un migrant ne se noie au large d'une Europe barricadée pour repousser la misère du monde. |