Réalisé par Leonie Krippendorff. Allemagne. Drame/Romance. 1h35 (Sortie 5 avril 2023). Avec Lena Urzendowsky, Anna Lena Klenke, Jella Haase et Elina Vildanova.
On ne voit pas beaucoup de films allemands en France, encore moins de films sur la jeunesse allemande.
Pour des pays désormais plus que voisins, des Etats que d'aucuns voudraient unis, cette méconnaissance - voire peut-être ce manque d'intérêt - pose beaucoup de questions.
Ce n'est pas en un film qu'on y répondra ni qu'on résoudra tous les problèmes mais, dans le contexte actuel, découvrir "Kokon" de Leonie Krippendorff permettra de poser quelques sujets sur la table...
Ainsi, d'emblée, on ne trouvera pas beaucoup d'analogies entre un collège/lycée allemand et son homologue français. On est à Berlin, dans un quartier plutôt populaire et on ne voit pas bien un établissement parisien, même des quartiers les plus au nord, qui connaîtrait une ambiance pareille.
D'abord, fait majeur, ici on peut aller à l'école avec des signes ostentatoires religieux, on peut appartenir à des communautés différentes sans que cela pose problème. Et, quand on aborde les questions sexuelles et les questions de genre, on est à cent mille lieux là aussi d'un lycée français, fût-il d'un centre ville.
Nora, l'héroïne du film, est supposée avoir 14 ans et être une fille un peu mal dans sa peau. Née dans une famille où le père est absent, elle cohabite avec sa mère et sa grande-sœur et peine à trouver sa juste place dans ce milieu où sa mère continue à vivre sa vie et où elle est sous l'aile (trop) protectrice de sa sœur aînée.
On devine que le titre du film, "Kokon", a un rapport direct avec sa situation personnelle. On va la suivre pendant l'année où elle va, peu à peu, s'émanciper, commencer elle aussi à voler de ses propres ailes, elle qui aime les papillons...
Et ce passage, il va avoir comme déclencheur l'arrivée d'une nouvelle élève, Romy, totalement libérée des contraintes qui effraient Nora. On aura la confirmation (cinématographique et sociologique) que les jeunes Berlinois(e)s sont apparemment moins conformistes que leurs équivalent(e)s parisiens.
Evidemment, ils ou elles subissent les mêmes addictions aux réseaux sociaux. Mais, à la différence de Paris, le Berlin juvénile semble vivre encore l'époque des squats et les jeunes paraissent plus libres que leurs aînés. Peut-être cela vient-il du fait que la jeunesse reste une denrée rare dans un pays en recul démographique depuis beaucoup plus longtemps qu'en France.
Et puis, la situation économique étant nettement meilleure, du moins dans les grandes villes, la lutte des places n'est pas la préoccupation de ces jeunes gens, qu'on sent prêts à s'aimer d'amour et d'eau fraîche.
Pendant que les jeunes français vivent avec une épée de Damoclès nommée Parcoursup sur la tête, leurs homologues allemands découvrent la sexualité. Nora, elle, va tomber amoureuse de Romy, vivre une idylle romantique, contrariée par Romy elle-même qui n'est pas douée pour l'exclusive amoureuse...
Mais Nora va vite comprendre, en un bon tiers de film, que l'amour c'est aussi faire des concessions et faire fi, surtout si on adopte une sexualité imprévue, des conventions dites bourgeoises quoi qu'on vienne d'un milieu plutôt populaire...
"Kokon" de Leonie Krippendorff est un joli film féministe et lesbien. Mais pas seulement. Il permettra aux jeunes français des deux sexes de constater qu'ils ne sont pas à la pointe de la modernité européenne. Qu'ils acceptent beaucoup de choses qui sembleraient intolérables à Nora et à Romy.
Cela devrait être aussi ça l'Europe : donner un regard sur ce qui se passe ailleurs, tout près, et en discuter entre voisins, afin d'échanger. Car tout n'est pas rose non plus de l'autre côté du Rhin... |