Tragédie de Jean Racine, mise en scène de Jean-Yves Brignon, avec Joël Abadie, Emma Debroise, Claire Delmas, Jean A. Deron, Augustin Guibert, Benoit Guibert, Suzanne Legrand, et Sophie Neveu.
Est-ce possible de jouer une version d'"Andromaque", qui dure à peine une heure et demie, et cela avec quatre acteurs chargés d'interpréter tous les rôles ? Et pour rajouter à la difficulté dans une ambiance qui rappelle "Lord Jim" de Joseph Conrad ?
C'est le pari auquel s'est astreint Jean-Yves Brignon dans son adaptation-mise en scène de la tragédie de Racine. Et le moins qu'on puisse dire est que son pari ait réussi.
Quand la lumière se fait sur un plateau où les acteurs s'affairent, déploient en fond de scène une toile qui évoque les vagues d'une mer agitée, s'habillent de costumes d'inspiration maritime et entourent d'une corde le périmètre qui va leur servir pour jouer la pièce, qui pourrait penser qu'on va entendre dans quelques secondes des alexandrins de l'ère classique ?
Et pourtant, ce marin en conversation avec un homme d'équipage coiffé d'un bonnet rouge, c'est Oreste (Joël Abadie en alternance avec Jean A. Deron), le fils d'Agamemnon, et son compagnon à la vie à la mort, Pylade.
Quelque scènes plus tard celui-ci se transformera en Pyrrhus (Benoît Guibert en alternance avec Augustin Guibert) et endossera une tenue de la marine marchande du siècle passé, genre capitaine au long cours. On verra aussi une Hermione(Emma Debroise en alternance avec Sophie Neveu), déterminée, batailleuse, aimante et jalouse aux allures de femmes pirate.
Malgré cette ambiance très particulière, le contrat de Jean-Yves-Brignon avec Racine est vraiment respecté. Oreste dit bien la fameuse réplique des "serpents qui sifflent sur..." et l'on suit l'intrigue en écoutant le quatuor sur scène prononcer correctement les beaux vers racinien.. Chacun y met de quoi nourrir une flamme tragique mêlée d'un élan romantique.
Au bout du compte, on comprend sans problème ce qui se passe dans ce premier épisode post-Guerre de Troie écrit par un auteur de 28 ans, dont c'est la troisième tragédie. Et pourtant, rien n'est simple pour la femme d'Hector, Andromaque (Claire Delmas en alternance avec Suzanne Legrand) . Pas plus pour Hermione la fille d'Hélène. Ni pour Pyrrhus le fils d'Achille.
Les proches des héros grecs sont fatigués, leurs amours sont contrariés et l'on est ici en plein péplum. Evidemment, cette version vitaminée et rythmée d'"Andromaque" où personne n'est statique comme on s'imagine que c'est la règle obligatoire dans une tragédie racinienne, accentue une évidence : si Andromaque est le rôle-titre, c'est Hermione qui porte la pièce sur ses épaules et qui la porte avec fougue.
N'ayez pas peur de Jean Racine ! Jean-Yves Brignon a su domestiquer Andromaque. Et, maintenant, à qui le tour ? |