Un ouvrage écrit par un spécialiste de la Roumanie portant sur Ceausescu ne peut être qu’une mine d’informations sur un chef d’Etat tristement célèbre ayant pris le pouvoir en 1965 pour s’écrouler brutalement au cœur de l’hiver 1989.
Né en janvier 1918, Nicolae Ceausescu entre en apprentissage à Bucarest et découvre la lutte sociale et sa répression dès l’âge de quinze ans au sein du Parti communiste roumain. En 1948, le stalinien Gheorghiu-Dej, son mentor, ayant pris le pouvoir, il en profite pour gravir rapidement les échelons du parti et de l’État. Installé au pouvoir en mars 1965, Ceausescu hérite de la politique de son prédécesseur : éviter la déstalinisation en jouant la carte nationaliste. Ses débuts sont populaires grâce à une certaine libéralisation culturelle, à un début de société de consommation et à une ouverture vers l’Ouest.
Toutefois, les chocs pétroliers et la détente entre les États-Unis et l’Union soviétique au milieu des années 1970 le privent des ressorts de sa politique. Son rôle de pont entre Est et Ouest, sa politique d’industrialisation appuyée sur les capitaux et les technologies occidentales et sa popularité au sein de la société roumaine s’effondrent au tournant des années 1980. Un début d’opposition sociale et politique (grèves et dissidences), la décision de rembourser la dette aux institutions occidentales (FMI et Banque mondiale) qui entraîne de cruelles pénuries et la fin de la guerre froide avec l’arrivée de Gorbatchev sonnent le glas de son régime qui s’effondre en trois jours de décembre 1989.
Celui qui se faisait appeler le "génie des Carpates", ou bien le "Danube de la pensée", est exécuté avec son épouse, la redoutée Elena, au terme d’un procès particulièrement expéditif, soldant une étrange révolution dans laquelle beaucoup ont vu la main du "grand frère" soviétique, lui-même à l’agonie. Entre dérive autocratique et velléités réformatrices, nationalisme et soumission à l’URSS, paranoïa grandissante et mégalomanie dévorante, l’homme demeurait un mystère. Le voici levé par cette biographie exemplaire.
Une biographie exemplaire qui n’est pas sans me rappeler un excellent film sorti en 2010, d’Andrei Ujica s’appelant une autobiographie de Ceausescu qui retraçait de façon passionnante la vie du dictateur roumain, en s’appuyant sur des archives inédites.
Une biographie que j’ai pris grand plaisir à ire, concernant un pays que je connais bien, y étant allé plusieurs fois, ayant visité notamment ce mastodonte de palais présidentiel situé à Bucarest qui est à l’image de ce que fut le dictateur roumain.
Une biographie conséquente, plus de 450 pages, construite autour de 4 parties chronologiques : sa jeunesse d’apparatchik et sa progression au sein du Parti communiste roumain dans un premier temps, sa prise de pouvoir et l’installation de son pouvoir marqué par une certaine libéralisation du régime en trompe-l’œil, les effets de la crise dans les années 70 qui déstabilisent son régime, puis sa chute dans un dernier temps.
Alors voilà, cette biographie est au final parfaite pour mieux connaître ce dictateur ambigu, encore regretté par une partie de la population roumaine, nostalgique de la période où il dirigea la Roumanie. Tout en nuance, l’auteur nous propose un épilogue parfaitement réussi nous expliquant bien pourquoi et comment il a retrouvé une excellente image auprès des Roumains. |