Réalisé par Yuzuru Tachikawa. manga musical. 119 minutes. Sortie le 6 mars 2024. Avec Yûki Yamada, Shôtarô Mamiya, Amane Okayama.
Au Japon, on sait que les mangas traitent de tous les sujets. "Blue Giant" est une réussite du genre en contant l'histoire de la formation d'un groupe de jazz et en suivant les parcours contrastés de ses trois membres.
Quand on ne connaît pas la série de Shinichi Ishizuku et qu'on n'a vu aucun des quatre longs-métrages de Yuzuru Tachikawa qui adapte ici "Blue Giant" pour la première fois, on ne soupçonne pas qu'on va être pendant deux heures plongé à fond dans la musique, que celle-ci sera vraiment bien filmé à travers des instrumentistes saisis en "motion capture" et qu'au final, on sortira comblé, ému aux larmes, alors qu'on s'attendait au mieux à suivre un bon film d'animation.
"Blue Giant" s'attache à un jeune garçon provincial qui découvre le jazz, s'initie au saxo ténor et décide de s'installer à Tokyo pour se perfectionner et devenir modestement "le meilleur musicien du monde".
On le retrouvera dans la nuit bleue tokyoïte en train de s'entraîner sous les ponts et logé chez un ami qui se prendra lui aussi au jeu en s'initiant aux percussions. Mais tout le monde n'étant pas égal dans la musique, il ne sera pas, loin de là, au niveau de son camarade. Pas plus qu'à celui du troisième larron qui finit par les rejoindre : un pianiste doué mais dandy et dilettante qui aura bien du mal à comprendre que le talent et le don ne suffisent pas à combler une certaine paresse qui confine à la suffisance.
Pour mener à bien un manga qui dure, il faut beaucoup de péripéties et l'on suppose que le scénariste de "Blue Giant" a un grand savoir-faire pour créer des personnages, tous fan de jazz et apportant chacun quelque chose à l'édifice qu'il érige sur une longue distance.
Il lui faut de grands qualités d'écriture d'autant que l'on ne peut pas dire qu'en tant que dessinateur il soit très original. Tout au moins pour quelqu'un qui ne se passionne pas pour le genre. On suppose que celui qui a l'œil d'un fan saura, lui, percevoir des qualités que le profane ne distinguera pas. Celui-ci mettra un certain temps à trouver du charme aux dessins et à admettre qu'ils sont en adéquation avec le sujet.
Mais, en revanche, quand adviendront les nombreux solos de jazz, tous les spectateurs seront d'accord pour les juger formidablement mis en scène. Tous les sets de jazz valent le déplacement. Les couleurs à l'écran se mélangent, s'entremêlent, dans un délire d'images virtuoses.
On en redemande et l'on sait dès lors accepter les baisses de tension entre les moments musicaux.
Nul doute que "Blue Giant" de Yuzuru Tachikawa convertira un bon nombre de ses spectateurs au jazz. Mieux encore, il rappellera à ceux qui aimaient déjà le jazz le bonheur qu'il génère quand on l'écoute "live".
Un film d'animation qui procure du plaisir à l'écoute de sa musique, ce n'est pas si fréquent et cela souligne tout l'intérêt qu'il peut avoir.
Philippe Person
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