D'après Ingmar Bergman adapté par Les Amochés, mis en scène par Marie Venturi assistée par Laurine Gardet avec Yann Guénon, Béatrice Hallouët, Maïwenn Lohéac et Marie Venturi
On a souvent dit que les films d'Ingmar Bergman étaient des pièces de théâtre déguisées, niant au passage tout le savoir cinématographique du grand maître suédois. Certes le réalisateur des "Fraises sauvages" et de "Fanny et Alexandre" a aussi écrit directement pour le théâtre et mis en scène des classiques (Shakespeare, Molière, Ibsen, Strindberg...) mais ceux qui ont voulu transporter ses films sur scène se sont souvent cassés les dents. Pour preuve, la récente double adaptation catastrophique de "Persona" et d' "Après la répétition" tentée par Ivo van Hove.
En s'emparant à son tour de "Sonate d'Automne", Marie Versini a, en revanche, surmonté l'épreuve. Et cela est d'autant plus à signaler que cet affrontement d'une mère et d'une fille qui se retrouvent après sept ans de séparation était sur l'écran l'occasion pour Ingmar de filmer pour la première fois Ingrid.
En lui faisant jouer Charlotte, la pianiste virtuose, le cinéaste légendaire réintroduisait dans le monde scandinave celle qui avait été à la fois l'une des plus grands stars d'Hollywood et la muse des chefs d'œuvre de Roberto Rossellini de "Stromboli" à "Voyage en Italie".
Dans le rôle d'Eva, sa fille, Bergman avait distribué Liv Ullmann, peut-être sa meilleure comédienne et son égérie de l'époque. Si l'on ajoute qu'elles étaient filmées par Sven Nykvist, son chef op attitré, on mesure la difficulté pour Marie Versini parvenir à rendre la même intensité sur scène que sur écran.
Et pourtant, sans possibilité de gros plans, de sur impressions, sans même un vrai décor dans lequel on aurait pu trouver un piano, une table pour les scènes de repas, la jeune metteuse en scène rend une copie impeccable. Elle se donne corps et âme dans son règlement de comptes avec Béatrice Hallouët, elle aussi à sa place pour s'exposer en Charlotte, vibrante et subtile dans des confessions dont on ne sait que trop penser.
Si l'on dissèque le découpage de cette "Sonate d'Automne" qui dure moins longtemps que le film, on verra qu'elle ne se perd pas en explications, que tout est défini d'entrer par le personnage du mari d'Helena, Viktor (Yann Guenon) qui présente aussi la quatrième protagoniste, Helena, la soeur handicapée moteur d'Eva. Rôle aux interventions difficiles dont se sort très bien d'ordinaire Maïwenn Lohéac, bien remplacée lors de la représentation à laquelle on a assisté par Hélène Boutin.
On saura aussi gré à Marie Versini de ne pas trop se servir de l'écran vidéo qui occupe l'arrière-scène, et surtout de n'avoir cherché qu'à distiller des images qui font sens avec le texte et pas qui cherchent à faire songer au film.
On pourrait donner d'autres exemples qui permettent d'écrire que Marie Versini a réussi une adaptation fidèle de Bergman et qui, en outre, n'a pas perdu l'enjeu du duel Charlotte-Eva.
On sortira donc convaincu de ce huis-clos tendu, avec l'envie de revoir le film et de remercier les quatre comédiens d'avoir prouvé que Bergman était un vrai classique.
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