Réalisé par David Wnendt. Drame. 1 heure. Sortie le 2 mars 2023. Avec Levy Rico Arcos, Vincent Wiener, Rafael Luis Klein-HeBling et Aaron Maldonado-Morales.
Sans aucun parti-pris commercial, si l'on est cinéphile et qu'on tient absolument à être abonné à une plateforme, UniversCiné est sans conteste celle qui convient. Tous les films art et essai récents vantés par la critique, et parfois par Froggy's Delight, s'y retrouvent très vite même sans avoir cartonné au box-office.
Pour attirer ceux qui pourraient se laisser convaincre, UniversCiné diffuse des films récents qui n'ont pas connu de sortie parisienne.
En visionnant Berlin Boys de David Wnendt, on se demandera déjà pourquoi personne ne l'a distribué en France. Au départ Berlin Boys est un roman de Felix Lobrecht intitulé Sonne und Beton, qui raconte la vie de quatre jeunes Berlinois d'une quinzaine d'années dans les grands ensembles d'un des quartiers les plus pauvres de la ville, Gropiusstadt. David Wnendt l'a adapté à l'écran avec la collaboration du romancier.
Si l'on voulait résumer le film, on pourrait écrire qu'il s'agit du croisement de La Haine et des Vitelloni s'adressant à une catégorie d'âge inférieure à celle des deux films cités. Le quatuor fait des bêtises pas encore vraiment très graves, mais les choses pendant le film évoluent franchement vers le pire. Le choix final est clair : soit prendre définitivement le chemin de la délinquance ou de diverses addictions, soit passer leur bac...
Certains trouveront le film très premier degré parce qu'il paraît s'en tenir au constat que font certains politiques : ce chaos pourrait être réduit par des recettes simples avec le diptyque réactionnaire de la "loi et de l'ordre". On y voit des jeunes se regrouper en bandes "ethniques", s'affronter pour des questions de territoire de deal. Les profs y sont molestés, les parents carrément à l'ouest. Felix Lobrecht a chargé la mule et chacun des quatre protagonistes vient d'une famille monoparentale, reconstituée et quand le couple d'origine est au complet, la mère est battue...
Pour le Français moyen qui envie son voisin germain, le film sera un choc : même avec un pouvoir d'achat bien supérieur, les Allemands ont à régler des problèmes analogues et peut-être plus graves car, pendant presque deux heures, il n'y aura guère d'intervenants sociaux pour apaiser les tensions multiples. Berlin Boys courait le risque de sombrer dans la caricature. Il évite tous les écueils car l'histoire est toujours crédible quoi qu'accumulant énormément de problèmes. Les quatre garçons sont vraiment excellents et particulièrement ceux qui jouent les personnages qui pourraient être les plus outranciers. Aucun ne joue les petits Cassel ou les petits De Niro. Ils sont en construction et peuvent à tout moment sortir leurs doudous ou le flingue du grand frère...
David Wnendt et Felix Lobrecht travaillent sur le déterminisme social sans basculer dans la thèse. Ils espèrent simplement que la solidarité entre les membres du quatuor les préservera d'un drame définitif comme celui qui pouvait advenir au jeune italo-allemand de la bande.
Le film est fort sans tomber non plus dans le sensationnalisme. Il y a des scènes de bus et de métro qui adviennent opportunément : ces jeunes gens qui ne vivent pas une jeunesse forcément tranquille n'en sont pas encore à glander en voiture, volée de surcroît. Tout le film milite pour que ça n'advienne pas comme cela a dû arriver à certains grands frères.
Sans être un émule de Ken Loach, David Wnendt, dont c'est le deuxième film, réussit un film social oblique. Il montre sans démontrer, mais peu à peu on sait qu'il le fera sans le cynisme qui permet de filmer de belles images de violence urbaine et en s'imposant et en se tenant à un code moral qui ne se permet pas de juger ni de hiérarchiser ses personnages. Un film à voir avant son passage, dans quelques années, sur Arte.