Alors que les spectateurs sont encore peu nombreux en cette fin d'après-midi, Asyl commence ce Rock dans tous ses États 2006 plutôt mollement.
Mais on sent que Mathieu Lèscop veut donner un peu plus à ce petit parterre de fans.
Après un petit aller-retour dans le public, il s'assied sur la barrière, le regard lointain, visiblement en quête d'inspiration. Celle-ci ne viendra que quelques dizaines de secondes plus tard, d'un spectateur qui esquisse quelques sauts de cabri désarticulé, aussitôt rejoint par Mathieu. Après avoir participé à ce duo improbable, il se prête au jeu de la photo souvenir avec quelques fans.
Et c'est finalement en se jetant dans la foule, et porté par elle, qu'il termine son show.
Sur la scène B , c'est au tour de Donavon Frankenreiter.
Un bon moment de rock west-coast, mais pas d'extravagance dans la musique ni dans la prestation.
Et si Donavon finit quand même son set dans le public, c'est d'une toute autre manière que son prédécesseur : la guitare en action et sur ses deux pieds. Bettye Lavette prend ensuite le relais, pour nous gratifier d'un show plein d'énergie, ponctué de quelques propos désabusés sur son métier et sa carrière qui nous rappellent qu'elle chante la soul depuis plus de quarante ans.
Un état d'esprit nostalgique, bien loin de celui du Ministère des Affaires Populaires (MAP) qui nous entraîne dans un tourbillon de bonne humeur avec un rap de ch'Nord, teinté de guinguette et de musique orientale.
Leurs textes parfaitement ciselés dénoncent avec acuité les malaises, les travers et les incohérences de la société française d'aujourd'hui.
Une programmation insolite dans un festival de rock, mais un choix qui fait mouche, et auquel le public adhère dès les premières mesures. Ils sont contents d'être là, les MAP, et ça se sent.
Ravis aussi, les belges de Marcel et son orchestre.
Ravis de venir mettre la pagaille sur la scène A avec un show hallucinant et une musique déjantée, qui nous bouscule entre punk et ska.
Attifés à la Antoine de Caunes et José Garcia, du temps de la grande époque de Canal+, ils se donnent à fond, de la première à la dernière seconde. Quelle énergie, et quel régal !
A noter que la prestation de la bande à Marcel a été précédée d'une intervention du comité de soutien à la Scène des Musiques ACtuelles (SMAC), un projet d'équipement dédié à la musique dans le quartier de Tilly à Evreux qui a visiblement du mal à voir le jour et vient de vivre un coup dur avec le départ de Jean-Christope Aplincourt, le directeur du festival.
De retour sur la scène B , c'est le choc du duo batterie/guitare de Two Gallants qui nous accueille.
La batterie rageuse et technique de Tyson Vogel, la guitare et la voix déchirée d'Adam Stephens font des ravages.
Car sous leurs airs chétifs, ces deux là ont du cœur à l'ouvrage.
Alors que le soleil décline, c'est dEUS qui prend le relais, sans fioriture.
Le spectacle est dans les oreilles, et uniquement là.
C'est donc avec un certain détachement et, il faut bien le dire, une certaine classe, que Tom Barman et ses compères accompagnent le crépuscule. Nous, on ferme les yeux, et on apprécie.
Nouveau rush vers la scène B pour ne pas manquer Razorlight, le groupe pop-rock anglais qui monte.
Seule petite bizarrerie de cette prestation, impeccable mais sans passion, le départ précipité de Johnny Borrell qui laisse les dernières minutes du final à ses trois camarades.
Une envie pressante ?)
Désormais bien installé dans l'univers de la chanson française, Cali enchaine.
Très à l'aise sur scène, il envoûte littéralement le public. Et le spectacle s'emballe lorsqu'il jette ses chaussures, et se laisse porter par le public jusqu'à la régie située au moins 50m plus loin. Là, il s'empare d'une poursuite, éclaire le public et joue avec lui, puis repars vers la scène comme il était venu, soutenu par ses fans.
Un set dont on se souviendra, et qui confirme la réputation de bête de scène de cet artiste.
Et pour terminer la soirée en beauté, les programmateurs du festival nous ont mitonné un plat exotique avec le groupe Katerine.
Dès la première bouchée, on part sur une autre planète.
Affublé d'un boa rose bonbon, Philippe Katerine emporte le public dans son délire.
Non seulement les textes de ses chansons sont hilarants, mais il en rajoute à chaque occasion pour nous convaincre que c'est bien le plus déjanté des chanteurs actuels. Extrait d'un dialogue qui restera sans doute dans les mémoires : "Vous avez tous un appareil génital ?", "Ouiiiii !", "Vous avez tous un nez ?", "Ouiiiii !", […], "Vous avez tous des ongles ?", "Ouiiiii !", "Mais alors, vous n'êtes pas des extraterrestres !?".
Peut-être une évidence en ce qui nous concerne, mais pour les membres du groupe, ça reste à vérifier…
C'est sur ce grand moment de scène que se termine ce premier jour de festival. |