Inutile
d'épiloguer sur les problèmes de santé de Paddy
McAloon, génie de la pop depuis plus de 10 ans avec ses Prefab
Sprout et auteur de quelques chefs d'œuvres tels que Steve Mc
Queen ou Jordan the Comeback.
Il est pourtant important de savoir que ce disque a vu le jour alors que, précisément,
Paddy McAloon perdait la vue.Privé de lecture, il se réfugia dans
l'écoute de la radio, les longs talk shows qui tiennent leurs rares auditeurs
en haleine n'ayant plus de secret pour lui. D'où le titre de ce disque
I trawl the megahertz (je navigue sur les megahertz).
De cette épreuve, Paddy McAloon a tiré, pour son premier album
solo en dehors du cocon Prefab Sprout, un album tout simplement somptueux.
Un album quasi instrumental sur lequel sa voix (intacte) ne fait qu'une brève
et douce incursion ("Sleeping Rough") entourée de
hautbois, de violons et autres instruments exotiques. Mélodies ciselées
comme du cristal mais sans tape a l'œil, l'anti tube, certes, mais aussi
révélateur d'émotions (les siennes... et les nôtres).
Mais le premier morceau qui donne le titre à l'album "I trawl
the Megahertz" est autrement plus ambitieux et, disons le tout de
suite, à la hauteur de ses ambitions. Un morceau de plus de 22 minutes
d'une musique comme Paddy McAloon en a seul le secret ; on reconnaît dès
les premières notes ce petit son de clochettes caractéristique
de Prefab Sprout, mais ici, la musique est plus "planante", "athmosphérique"
aux accents jazzy et surannés (au bon sens du terme) avec sa trompette
et ses arrangements langoureux, une invitation au voyage dans sa vie pour laquelle
une récitante Yvonne Connors nous prend par la main
et les sens.
Mais là où une "lecture musicale" de 22 minutes aurait
pu être rébarbative, compte tenu de la difficulté de l'exercice,
nous nous retrouvons immergés dès les premières mesures
tant par la musique que par la voix et le phrasé (pas une simple lecture
d'ailleurs, mais une réelle interprétation) d'un texte superbe
qui mérite qu'on s'y attarde ("Still, my eyes are fixed upon the
place I last saw you, your signal urgent but breaking, before you became cotton
in a blizzard, a plane coming down behind enemy lines.").
Suit "Esprit de corps" (en français) qui respire
la joie et l'éveil de la nature après les frimas, une superbe
envolée de cordes qui ressemble à une fenêtre qui s'ouvre
sur une campagne inondée de soleil par un matin de printemps (vous le
voyez le papillon là !?). Réminiscence sans doute mais la facture
classique évoque la symphonie du nouveau monde de Dvorak.
"We were Poor..." et "... But we were happy"
forment un superbe duo mi symphonique, mi pop à coup de cordes et de
cuivres tempérés et une trompette jazzy qui ne sont pas sans rappeler
Craig Armstrong ou In The Nursery. Et "Orchid 7"
est proche d'ITN avec des chochettes champêtres qui remplaceraient les
tambours sur des mélopées à la Satie. Superbe je vous dis
!
"I'm 49", troisième morceau non-instrumental, présente
lui aussi un exercice de style puisque les paroles sont de brefs dialogues ,
bande son de film ou conversation téléphonique accompagné
d'une musique sur laquelle cette fois ci se posent également des basses
et quelques rares percussions.
Poignant et beau, émouvant et joyeux, cet album respire l'optimiste
et l'envie de vivre de quelqu'un qui avait toutes les raisons d'avoir un état
d'âme contraire et s'achève sur "but we were happy".
Un miracle ne venant jamais seul, Paddy est a priori sur le chemin de la guérison
et qui sait, il nous prépare peut être une belle surprise aves
ses Prefab Sprout.
Un disque qui devrait rester comme une des œuvres majeures de Paddy McAloon
et peut être même une contribution majeure à la pop tout
court !
In-dis-pen-sable ! |